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Etat social, propriété publique et biens communs

Thomas Boccon-Gibod, Pierre Crétois 

Editions Le Bord de l’eau (20 août 2015)

etat-social-propriete-publique-bien-commun Et si les biens communs, par ou en dehors de la propriété publique, constituaient l’une des armes pour penser une société nouvelle qui permette de sortir de l’impasse du «tout marché» ? Certes, la propriété publique se donne souvent comme un moyen efficace de lutte contre les déséquilibres sociaux induits par le marché. Mais ne servirait-elle pas en réalité de soutien, ou au mieux de paravent, à la logique individualiste d’appropriation ? Elle serait alors vouée à l’échec, faute de s’attaquer radicalement à la cause même du mal : le primat de l’appropriation individuelle, source perpétuelle d’inégalités, en contradiction flagrante avec l’idéal démocratique dont elle se réclame pourtant. C’est pourquoi la question du statut de la propriété publique constitue une porte d’entrée stratégique pour comprendre les modes de mise en oeuvre de la démocratie réelle dans les Etats modernes. Cet ouvrage collectif invite ainsi à confronter la notion de propriété publique à celles, aujourd’hui en vogue, de propriété commune et de biens communs, porteurs d’une conception radicalement égalitaire des relations sociales, en deçà des institutions politiques, et notamment étatiques. Dans un cadre juridique fortement marqué par la notion de propriété, comment les biens communs ont-ils été pensés ? Comment peuvent-ils l’être aujourd’hui et quelles sont les voies concrètes d’institutionnalisation du commun ? Peut-on considérer que, historiquement, l’Etat républicain en France en a été une forme à un degré ou à un autre ? Et quel est, dans cette perspective, l’avenir même de l’Etat social ?

Commun : Essai sur la révolution au XXIe

Pierre Dardot & Christian Laval

Editions La Découverte (20 août 2015)

commun-dardot-lavalPartout dans le monde, des mouvements contestent l’appropriation par une petite oligarchie des ressources naturelles, des espaces et des services publics, des connaissances et des réseaux de communication. Ces luttes élèvent toutes une même exigence, reposent toutes sur un même principe : le commun.
Pierre Dardot et Christian Laval montrent pourquoi ce principe s’impose aujourd’hui comme le terme central de l’alternative politique pour le XXIe siècle : il noue la lutte anticapitaliste et l’écologie politique par la revendication des « communs » contre les nouvelles formes d’appropriation privée et étatique ; il articule les luttes pratiques aux recherches sur le gouvernement collectif des ressources naturelles ou informationnelles ; il désigne des formes démocratiques nouvelles qui ambitionnent de prendre la relève de la représentation politique et du monopole des partis.
Cette émergence du commun dans l’action appelle un travail de clarifi cation dans la pensée. Le sens actuel du commun se distingue des nombreux usages passés de cette notion, qu’ils soient philosophiques, juridiques ou théologiques : bien suprême de la cité, universalité d’essence, propriété inhérente à certaines choses, quand ce n’est pas la fin poursuivie par la création divine. Mais il est un autre fil qui rattache le commun, non à l’essence des hommes ou à la nature des choses, mais à l’activité des hommes eux-mêmes : seule une pratique de mise en commun peut décider de ce qui est « commun », réserver certaines choses à l’usage commun, produire les règles capables d’obliger les hommes. En ce sens, le commun appelle à une nouvelle institution de la société par elle-même : une révolution.

La stratégie post-capitaliste de la P2P Foundation

Comment créer une stratégie post-capitaliste? Comme indiqué dans un précédent billet – où nous décrivons le travail de Kojin Karatani- nous sommes d’accord que le système actuel est basé sur une trinité Capital-État-Nation, et que cela reflète l’intégration des trois modes d’échange. Le capital représente une forme particulière du marché basée sur l’accumulation sans fin du capital. L’Etat est l’entité qui maintient le système à la fois par la contrainte, la loi et la redistribution (Karatani appelle cette fonction « régner et protéger »), et la nation est la « communauté imaginée » qui est le lieu de la survie de la communauté et de la réciprocité. Une stratégie post-capitaliste doit nécessairement dépasser les trois dans une nouvelle intégration.

Disrupter l’accumulation du capital

Surmonter la forme capitaliste du marché appelle à une perturbation de l’accumulation du capital. Cela peut et doit se faire de deux façons :

Tout d’abord, le marché capitaliste considérant le travail comme une marchandise, il en découle que dépasser le capitalisme signifie refuser de fonctionner dans un capitalisme de travail-marchandise. Voilà pourquoi nous préconisons vivement le coopérativisme ouvert : des formes entrepreneuriales où les commoners travaillent pour eux-mêmes et pour le bien commun de la communauté et de la société au sens large. Ce travail a lieu dans des associations démocratiques qui créent des moyens de subsistance autonomes autour des communs qui sont, à leur tour, protégés de la capture de la valeur grâce à des membranes telles que les licences fondées sur la réciprocité. Ces organisations, centrées sur les commoners et leurs moyens de subsistance, plutôt que de se livrer à l’accumulation de capital, favorisent l’accumulation  coopérative au service des communs, par le biais de mécanismes dans lesquels les intérêts individuel, collectif et de la société convergent.

Les systèmes contributifs ouverts basés sur les communs sont conçus de telle sorte que les motivations personnelles des commoners peuvent contribuer activement à la création d’un bien commun ; ce qui s’oppose aux hypothétiques et accidentelles dérives positives de l’égoïsme généralisé. Des mesures comme un revenu de base – en conjonction avec des services sociaux « communifiés » seraient susceptibles également de supprimer sensiblement la contrainte pour les travailleurs de vendre leur force de travail, tout en renforçant la capacité de créer des entités économiques alternatives. Toutefois, dans l’intervalle, nous devons faire face à la réalité qui existe aujourd’hui, et créer nos propres mécanismes de financement et d’affectation des ressources.

La deuxième façon de se retirer du capitalisme et de l’accumulation du capital est de supprimer notre coopération en tant que consommateurs. Sans les travailleurs en tant que producteurs et les travailleurs en tant que consommateurs, il n’y a pas de reproduction du capital. En tant que consommateurs, nous devons concevoir et mettre en œuvre de nouvelles formes de consommation provenant de la création de coopératives ouvertes. Lorsque les travailleurs et les commoners mutualisent leur consommation dans des formes de marché communs tels que l’agriculture locale en circuits courts soutenue par une communauté locale (comme les AMAP), etc., ils n’achètent pas des produits qui renforcent l’accumulation du capital. Au contraire, ils contribuent à l’accumulation de coopération évoquée plus haut. Par conséquent, dans la mesure où nous organisons systématiquement de nouveaux systèmes d’approvisionnement et de consommation en dehors de la sphère du capital, nous minons également sa reproduction et l’accumulation de capital. De plus, nous créons des moyens « de transvestissement » [« transvestment« ], qui permettent l’inclusion du capital, mais qui sont subordonnés aux nouveaux communs et aux formes de marché développées grâce à la production par les pairs ; cela crée un flux de valeur du système de capital vers le système de l’économie des biens communs. Face à une crise d’accumulation du capital, il est tout à fait réaliste d’attendre de nouvelles sources de valeur à la recherche de leur place dans l’économie des communs. Au lieu de la cooptation de l’économie des communs par le capital, sous la forme de plates-formes capitalistes netarchiques qui captent la valeur des communs, nous co-optons le capital dans les communs en le soumettant aux règles des communs. Les exemples actuels de stratégies de transvestissement sont le modèle de rendement plafonné lancé par Enspiral, ou le système de comptabilité open-value créée par Sensorica.  La clef des stratégies de ces coalitions de marché éthique et génératives, qui créent de la plus-value autour des communs et pour les communs, est la « souveraineté de la valeur », c’est à dire le refus de laisser le marche capitaliste décider ce qui a de la valeur ou pas.

L’État post-capitaliste

Nous pouvons également obtenir des effets de transvestissement similaires avec l’Etat ! Nous nous inspirons ici de tous les mouvements sociaux qui n’ont jamais obtenu gain de cause en abolissant l’Etat, mais en le domestiquant, et en imposant des nouvelles valeurs, un droit de participation et des droits pour les groupes exclus (mouvements féministe, des travailleurs, des droits civils, de protection écologique, etc…). Notre stratégie pour un «État partenaire» est de « communifier » l’état. Imaginez que nous sommes en mesure de transformer les fonctions de l’Etat afin qu’elles encapacitent réellement et permettent l’autonomie des citoyens en tant qu’individus et groupes. En tant que tel, ils auraient les outils pour créer des ressources communes, au lieu d’être «consommateurs» passifs des services de l’Etat. Nous abolissons la séparation de l’état et de la population en augmentant la prise de décision démocratique et participative. Nous considérons le service public comme un bien commun, donnant à chaque citoyen et résident le droit de travailler dans ces services publics commonifiés. Nous faisons des accords publics-communs afin que les communautés de parties prenantes puissent co-diriger les services publics qui les touchent. Mais nous ne «retirons» pas complètement l’Etat parce que nous avons besoin de bonnes institutions communes pour tout le monde au sein d’un territoire donné, des institutions qui créent des capacités égales pour tous les citoyens de contribuer aux biens communs et aux organisations de marché éthiques.

Dans notre précédent billet, nous avons soutenu que la trinité Capital-État-Nation n’est plus en mesure d’équilibrer le capitalisme mondial, car elle a créé une classe financière transnationale très puissante, qui est capable de déplacer des ressources à l’échelle mondiale et de discipliner les états et les nations qui osent le rééquilibrer. Notre réponse est de créer des entités civiques et économiques translocales et transnationales qui peuvent éventuellement rééquilibrer et contrer le pouvoir de la classe capitaliste transnationale. Ceci est réaliste étant donné que les technologies de production par les pairs ont créé des communautés mondiales de conception ouverte qui mutualisent les connaissances à l’échelle mondiale, et parce que des organisations et coalitions mondiales et éthiques de marché peuvent être créées autour de ces communautés. Même si nous produisons localement, nous pouvons également organiser des communautés productives trans-locales. Ces communautés productives trans-locales, ne sont plus liés par l’État-Nation, ont pour projet et nécessitent des formes de gouvernance capables d’opérer à l’échelle mondiale. De cette façon, elles transcendent aussi le pouvoir de l’État-Nation. Comme nous l’avons expliqué dans notre stratégie concernant le marché capitaliste mondial, ces forces peuvent agir contre l’accumulation du capital au niveau mondial, et créer une énergie mondiale contre-hégémonique. Selon toute vraisemblance, cela va créer des mécanismes de gouvernance mondiale et des institutions qui ne sont plus inter-nationales, mais transnationales (tout en évitant les tendances du capitalisme transnational).

La nouvelle trinité intégrative

En conclusion, notre objectif est de remplacer le dysfonctionnement de la trinité Capital-État-Nation par la création d’une nouvelle trinité intégrative : Communs-Marché éthique-État partenaire. Cette nouvelle trinité irait au-delà des limites de l’État-Nation en opérant au niveau transnational, transcendant la trinité plus ancienne et dysfonctionnelle et évitant la domination mondiale du capital privé. Les citoyens pourraient développer des subjectivités cosmopolites à travers ces processus, ainsi qu’une allégeance aux Chambres et aux Assemblées des communs axées sur les communautés locales et transnationales de création de valeur et de la distribution de la valeur.

Le retour des communs : la crise de l’idéologie propriétaire

Benjamin Coriat (Sous la direction de)

et avec : Michel BAUWENS ; Florence BELLIVIER ; Françoise BENHAMOU , Marie CORNU , Séverine DUSOLLIER ; Charlotte HESS ; Isabelle LIOTARD ; Pierre-Andre MANGOLTE ; Christine NOIVILLE ; Fabienne ORSI ; Valerie REVEST ; Judith ROCHFELD ; Sarah VANUXEM ; Olivier WEINSTEIN ; Jean-Benoît ZIMMERMANN.

Éditions Les Liens qui libèrent (20 mai 2015)

le-retour-des-communsPrésentation de l’éditeur

Autour des « communs » se noue aujourd’hui un espoir fort de transformation sociale à partir d’institutions ou d’entreprises proposant des ressources en accès ouvert. Cet ouvrage entend alimenter la réflexion sur les potentialités qu’offre le renouveau de ces communaux collaboratifs.

Biographie de l’auteur

Benjamin Coriat est professeur de sciences économiques à l’université Paris 13, Sorbonne Paris Cité, et membre du Centre d’économie de l’université Paris Nord (CEPN, UMR 7234). Spécialisé en économie industrielle, de l’innovation et de la propriété intellectuelle, il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles. Sur le thème des communs, il a notamment dirigé I’ANR Propice (propriété intellectuelle, communs et exclusivité) dont les résultats essentiels sont publiés dans cet ouvrage. Il est par ailleurs cofondateur et membre du collectif d’animation des «Economistes atterrés».

Repenser les biens communs

Béatrice Parance

CNRS (13 février 2014)

repenser-les-biens-communsL’eau, l’air, les ressources naturelles et les fonds marins, certains médicaments, le spectre hertzien, le numérique… peuvent être analysés comme des « biens communs ». Nécessaires à tous, il convient d’en offrir l’usage à chacun. Mais par quels outils ? Si, au Moyen-Age, il existait des biens communaux et des droits d’usage, comme celui des forêts, le droit moderne occidental a fait de la propriété, publique ou privée, la pierre angulaire de tous les rapports entre les personnes et les choses. Après la chute du Mur, la privatisation des biens a même fini par devenir le dogme. Avec parfois des dérives dramatiques : ainsi, en Bolivie, la privatisation de l’eau au cours des années 2000 a eu pour conséquence de soulever une véritable révolte des populations locales. Suite à la « guerre de l’eau » dite de « Cochacamba », cette ressource y est désormais un bien commun, et la constitution bolivienne est une des premières à reconnaître cette notion. Comment régler les droits d’accès et la protection de certains biens que l’on considère comme essentiels pour la survie de l’espèce ! Quels mécanismes juridiques utiliser pour en protéger et en partager l’accès ? Si penser les biens communs est une absolue nécessité, c’est aussi une impasse intellectuelle de notre droit, qui ne dispose pas de réponses satisfaisantes dans ses catégories classiques. Le droit doit donc, de toute urgence, se réinventer. Telles sont les ambitions de cet ouvrage.

La renaissance des communs : Pour une société de coopération et de partage

David Bollier

CHARLES LEOPOLD MAYER (22 janvier 2014)

La-renaissance-des-communsRésumé de l’éditeur

De nombreux domaines de notre patrimoine commun sont aujourd’hui en état de siège : l’eau, la terre, les forêts, les pêcheries, les organismes vivants, les oeuvres créatives, l’information, les espaces publics, les cultures indigènes… Pour proposer une réponse aux multiples crises, économiques, sociales et environnementales que connaît la société actuelle, David Bollier invite à revenir sur cette notion de « communs ».
Ceux-ci doivent être appréhendés plus seulement comme des ressources dont tout le monde a la libre jouissance, mais comme un système de gouvernance associé à leur gestion.
L’auteur s’efforce de montrer comment les communs peuvent remédier à nos maux économiques en mettant en avant une
théorie plus riche de la valeur que l économie conventionnelle.
Car cette approche implique de nouveaux modèles de production, des formes plus ouvertes et responsables de participation des citoyens ainsi que des cultures et des technologies innovantes. Une initiative dynamique et collective dont témoignent les actions des différents mouvements des « gens du commun » à travers le monde, venant d’Inde, d’Italie, d’Allemagne, du Brésil, des États-Unis…, déterminés à construire des alternatives vivantes et fonctionnelles.
Cet ouvrage devrait permettre d’éclairer et de promouvoir le sujet des communs aussi bien auprès des académiques et des mouvements sociaux que des décideurs et des législateurs.

Biographie de l’auteur

David Bollier se consacre aux communs depuis la fin des années 1990 comme auteur, consultant politique, militant
international et blogueur. Il a déjà écrit ou dirigé plusieurs livres sur la question publiés aux États-Unis. De 2002 à 2010, il a co-fondé le Commons Strategies Group (« Groupe Stratégies
de Communs »), un projet de consultance internationale dont l’objectif est de soutenir le mouvement global des
communs, ainsi que Public Knowledge (« Savoir public »), une organisation civique basée à Washington et vouée à la
défense des intérêts du public en matière de politiques et de législations relatives à l’Internet, aux télécommunications et au copyright. Aujourd’hui, cet auteur américain travaille sur une variété de projets liés aux communs avec des partenaires américains et internationaux. Il tient un blog :
www.bollier.org et vit à Amherst, dans le Massachussetts,
aux États-Unis.

La guerre des forêts

Luttes sociales dans l’Angleterre du XVIIIe siècle

Edward Palmer THOMPSON

La découverte (janvier 2014)

guerre-des-foretsEn 1723, le Parlement anglais adopte une loi terrible, le Black Act, qui punit de pendaison le braconnage des cerfs dans les forêts royales et les parcs seigneuriaux. La peine de mort est bientôt étendue au simple fait de venir y ramasser du bois ou de la tourbe. L’atteinte à la propriété est ainsi criminalisée à l’extrême, et la loi ne sera abrogée qu’un siècle plus tard, en 1827.
Cet épisode s’inscrit dans la longue histoire de la résistance paysanne face à la montée d’une conception de plus en plus exclusive de la propriété, qui grignote peu à peu les anciens droits d’usage coutumiers, et réduit les plus faibles à la misère. Il illustre la violence de la domination sociale dans l’Angleterre du XVIIIe siècle, où l’oligarchie règne par la loi du profit et la corruption.
L’analyse magistrale qu’en donne le grand historien britannique Edward P. Thompson montre comment s’impose, dans l’arène juridique, l’individualisme possessif face aux droits collectifs. Elle fait revivre la brutalité du pouvoir des notables, et la détermination des braconniers, perdants magnifiques : la « guerre des forêts » est aussi une lutte de classes sans merci.

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Ensemble : Pour une éthique de la coopération

Richard Sennett

ALBIN MICHEL (3 janvier 2014)

ensembleInscrit dans les gènes de tous les animaux sociaux, le soutien mutuel est reconnaissable aussi bien chez les chimpanzés qui s’épouillent les uns les autres que chez les enfants qui construisent un château de sable ou chez les hommes et les femmes qui amassent des sacs de terre pour parer à une inondation soudaine : tous coopèrent pour accomplir ce qu’ils ne peuvent faire seuls. Cette tendance naturelle, innée, est pourtant moins un trait génétique qu’un art, une capacité sociale, qui requiert un rituel pour se développer. Dans un monde structuré par la concurrence, où la compétition prime toujours sur l’entente, savons-nous encore ce que c’est qu’être ensemble, par-delà le repli tribal du « nous-contre eux » ? Dans ce deuxième volet de la trilogie qu’il consacre à l’Homo faber, Richard Sennett se fait tour à tour historien, sociologue, philosophe ou anthropologue pour étudier cet atout social particulier qu’est la coopération dans le travail pratique. De la coordination des tâches dans l’atelier de l’imprimeur aux répétitions d’un orchestre, il nous fait découvrir de nombreuses expériences de communauté et d’action collective qui permettent de proposer une vision critique des sociétés capitalistes contemporaines. La richesse des références, l’originalité des points de vue, la liberté du style et la volonté de rester toujours au niveau de l’expérience quotidienne font la force de ce livre singulier et engagé. Et si, pour sortir de la crise, il suffisait de réapprendre à coopérer ?

De nouvelles entreprises pour mieux répartir la valeur des communs

Michel Bauwens est un théoricien du Pair à pair, auteur et conférencier sur des sujets technologiques et culturels innovants. Il nous donne son point de vue sur les modèles économiques ouverts et les façons de les favoriser.

Quels sont les exemples les plus marquants d’initiatives libres ?

Il y a deux secteurs sur lesquels on a des expériences significatives : le logiciel et l’open manufacturing avec Arduino.

Dans le cas du logiciel libre, Linux et Ubuntu sont de bons exemples qui posent bien les questions de l’économie de la contribution. Les trois quarts des individus qui travaillent sur le noyau de Linux sont salariés par ailleurs. Dans ces systèmes, on construit du commun avec des bénévoles, quelques salariés et la contribution d’entreprises. On constate que peu de contributeurs volontaires vivent de leurs seules contributions.

On retrouve la même situation dans l’écosystème Arduino avec une différence concernant les institutions du commun. En effet, dans le logiciel libre, il y a des institutions du commun : Ce sont des associations à but non lucratif qui protègent les infrastructures, la viabilité et les conditions de production et de diffusion du commun. Ce sont les fondations Linux, Wikimedia, Bitcoin par exemple. Dans l’open hardware, la dépendance aux entreprises est plus grande. Cela est probablement dû à la dimension matérielle du produit qui en renchérit énormément le coût de fabrication, et les institutions du commun moins nombreuses, voire absentes.

Dans ces exemples, comment les contributeurs trouvent-ils une rémunération ?

Justement, c’est bien là le problème, ils ne la trouvent pas directement par leur implication dans la production de biens communs. Les individus doivent aller dans l’économie marchande pour pouvoir subvenir à leurs besoins.

On a besoin de structures intermédiaires entre les fondations et les entreprises marchandes pour résoudre cette question. Pour l’instant, ces structures intermédiaires n’existent pas encore. On pourrait imaginer des organisations coopératives qui seraient liées aux structures qui prennent en charge la construction du commun.

Un article de Michel Bauwens, Louis-David Benyayer et Karine Durand-Garçon

Lire la suite de l’article sur le site WithoutModel.com

Autour d’Ostrom : communs, droits de propriété et institutionnalisme méthodologique

Revue de la régulation

Capitalisme, institutions, pouvoirs

Revue N°14 – Automne 2013

revue-de-la-regualtionCe numéro 14 de la revue comporte un dossier Autour d’Ostrom : communs, droits de propriété et institutionnalisme méthodologique, accompagné d’une partie Varia, ainsi que des notes de lecture très substantielles et plusieurs articles Opinions – débats. Ce dossier est original à bien des égards et devrait intéresser, au-delà du thème des communs, les chercheurs se référant à une approche institutionnaliste historique. Les autres contributions, si elles ne sont pas des articles académiques stricto sensu, participent aussi à la recherche et au débat d’idées et constituent bien une production du chercheur. Après avoir longtemps été confinés à l’hétérodoxie, les débats qui parcourent ces textes sont devenus ceux de toute l’analyse économique : quels sont les liens entre l’extension planétaire du capitalisme et ses transformations propres ? Quels sont les effets, sur la longue durée, de la concentration du capital ? Comment contrôler l’instabilité financière qui découle de cette concentration ?

Cause Commune

L’information entre bien commun et propriété

Par Philippe Aigrain

Édition publie.net – 30 janvier 2013

cause-communeL’information et ses technologies refaçonnent notre univers technique, social et éthique, mais ces bouleversements se font dans deux directions opposées selon que l’on choisit d’en encourager l’appropriation privée ou d’en faire des biens communs.

D’un côté, l’extension des domaines couverts par les brevets (molécules pharmaceutiques, variétés végétales, séquences génétiques, logiciels) restreint, pour le profit de quelques multinationales, l’accès à des ressources essentielles telles que les médicaments, les semences et l’information. La concentration des médias – notamment audiovisuels – menace la démocratie là où elle existe.

De l’autre côté, la production et le partage de l’information et des créations sont plus libres qu’avant, et la multiplication des échanges esquisse une société mondiale, diverse et solidaire. Les médias coopératifs, les logiciels libres, les publications scientifiques ouvertes et les autres biens communs réinventent la démocratie.

Comment les acteurs de ces nouveaux domaines peuvent-ils faire cause commune par-delà ce qui sépare les logiciels des ressources biologiques, ou l’art des sciences ?
Comment l’information peut-elle servir les biens publics sociaux de la santé, de l’éducation ou de la solidarité au lieu de contribuer à les détruire ?
Quelles alliances peut-on envisager entre les sociétés et les États, gardiens irremplaçables des biens communs épuisables que sont l’eau ou l’air ?
Quelle politique qui remette les êtres humains aux commandes de ces transformations ?

D’abord publié chez Fayard en 2005, « Cause commune » est un virage dans la conception des biens communs et de la culture au temps du numérique. Il était nécessaire de le rendre disponible en version électronique. Il est précédé d’une préface inédite de l’auteur, resituant sa démarche dans un contexte où tous les problèmes abordés ici sont encore exacerbés, et qu’il est décisif de les considérer avec les outils et la réflexion nécessaires.

Né en 1949, Philippe Aigrain est un des fondateurs de La Quadrature du Net. Son site : DébatsPublics.

Du Contre-Pouvoir

contre-pouvoirDe Diego SZTULWARK et Miguel BENASAYAG, traduit par Anne WEINFELD (Traduction)

La découverte – 12 juillet 2012

Les nouvelles subjectivités contestataires développent des formes de lutte originales dont la portée émancipatrice reste mal perçue : un vibrant plaidoyer pour une  » politique du contre-pouvoir « , dont les effets concrets sur la société sont déjà beaucoup plus importants qu’on ne le croit. (Cette édition numérique reprend, à l’identique, la troisième édition de 2003.).

Après la période de conformisme tiède des années 1980, on a vu s’affirmer dans de nombreux pays des mouvements prônant une critique radicale du système, aussi bien en Europe (ATTAC, Act Up, collectifs anti-expulsions…) qu’à l’étranger (mères de la place de Mai, paysans sans terre, guérilla zapatiste…). Cette nouvelle subjectivité contestataire est souvent jugée stérile, incapable de passer à une étape plus politique, de proposer des réformes réalistes. Un jugement que récusent les auteurs de cet essai incisif. Certes, expliquent-ils, la nouvelle posture contestataire peut parfois se complaire dans l’impuissance du simple constat critique. Mais plus souvent, les mouvements qu’elle nourrit développent des formes de lutte originales dont la portée émancipatrice reste mal perçue, car elles ne correspondent plus aux formes traditionnelles de l’action politique. Leurs animateurs inventent une  » politique du contre-pouvoir  » dont les effets concrets sur la société sont déjà beaucoup plus importants qu’on ne le croit. Ce livre passionnera tous ceux qui cherchent, ici et maintenant, dans leur engagement militant ou professionnel, les pratiques qui permettront de réinventer la justice et la liberté.

Le Peuple des Connecteurs.

De Thierry Crouzet

Éditions Thaulk – 6 mai 2012

peuple-connecteursLes  connecteurs  vivent dans un univers technologique entièrement nouveau par rapport aux générations qui les ont précédés. Ils appartiennent à un réseau social transnational dans lequel ils nouent sans cesse de nouveaux liens. Cette appartenance à un réseau planétaire transforme radicalement leur conception du monde et de la société. Sans bruit, sans manifester, sans revendiquer, ils sont en train de bouleverser tous les codes établis. De récentes découvertes scientifiques leur ont fait comprendre que notre société reposait sur des fondements inadéquats. Qu’est-ce qu’une république sinon une monarchie déguisée ?

Qu’est-ce que le système éducatif sinon une machine à faire de nous des clones les uns des autres ? Qu’est-ce que la justice sinon un ensemble de lois pour restreindre nos libertés ? Pourquoi une autorité centralisée alors que le réseau démontre tous les jours qu’il s’auto-organise sans aucun chef

Libres savoirs : Les biens communs de la connaissance – Produire collectivement, partager et diffuser les connaissances au XXIe siècle

Association VECAM

C&F Editions (15 mai 2011)

lbres-savoirsUn regard mondial sur les biens communs de la connaissance. À la rencontre de ces réseaux qui n’envisagent pas de progrès sans partage des savoirs.

La connaissance est un moteur de l’économie et de l’organisation sociale. Aujourd’hui numérisée, elle circule, se diffuse et se partage aisément, permettant la coopération de communautés et la création de nouvelles connaissances. Cette émergence dynamique et collective de nouveaux biens communs vient à son tour bousculer et renouveler la pensée économique et politique.

Les biens communs de la connaissance constituent ainsi une utopie pragmatique qui propose des voies nouvelles pour aborder les défis du XXIe siècle.

Pour Libres Savoirs, l’association Vecam a coordonné trente auteurs, venant de tous les continents, afin d’offrir un regard mondial sur les biens communs de la connaissance. La diversité des sujets traités, de la santé aux ressources éducatives libres, des logiciels aux publications scientifiques, des semences aux questions juridiques sont le reflet de la vitalité de la production mondiale des communs du savoir et de l’énergie des communautés qui s’y sont engagées.

 

Où est passé le bien commun ?

François Flahault

Fayard/Mille et une nuits (2 février 2011)

ou-est-passe-le-bien-communDans un monde où le politique est dominé par les puissances économiques et financières, et où le toujours plus de la croissance s’impose comme une fin en soi, la seule référence non économique qui subsiste est celle des droits individuels. La référence au bien commun a été évacuée.
Des millions de citoyens, pourtant, continuent de s’en soucier. Encore faudrait-il qu’émerge une conception renouvelée du bien commun. Et que celui-ci reprenne sa place dans les préoccupations des politiques.
François Flahault interroge le fondement des droits de l’homme. Il montre comment le progrès des connaissances anthropologiques apporte ce qui leur manque pour penser le bien commun. La vie sociale apparaît ainsi comme le lieu d’être de chacun d’entre nous, l’indispensable poumon de la vie individuelle.
La fragile coexistence des humains repose largement sur les biens communs ou biens collectifs (au pluriel) dans lesquels se concrétise le bien commun (au singulier). Cependant, leur importance, ainsi que leur diversité naturelle et culturelle, matérielle et immatérielle, reste sous-évaluée au regard des biens marchands.
Comment la lutte politique peut-elle faire évoluer les rapports de force dans un sens favorable au bien commun? L’auteur montre qu’il est possible de s’inspirer d’un autre modèle que ceux dont, plus de vingt ans après la fin de la guerre froide, nous sommes encore tributaires.

Directeur de recherches émérite au CNRS, François Flahault anime un séminaire d’anthropologie philosophique à l’École des hautes études en sciences sociales. Il a notamment publié Le Sentiment d’exister (Descartes & Cie, 2002), Le Paradoxe de Robinson. Capitalisme et société (Mille et une nuits, 2005) et Le Crépuscule de Prométhée (Mille et une nuits, 2008).

La gouvernance des biens communs : Pour une nouvelle approche des ressources naturelles

Elinor OSTROM

Commission Universite Palais (7 juin 2010)

la-gouvernance-des-biens-communsExtrait de l’avant-propos

Il me serait difficile de dire depuis quand je travaille sur cette étude. Si l’on me demandait quand j’ai commencé à étudier les problèmes d’action collective rencontrés par des individus utilisant des ressources communes, resituer le commencement serait plus aisé. Au début des années 1960, je participai à un séminaire avec Vincent Ostrom, qui, deviendrait plus tard, mon plus proche collègue et mon mari. Ce séminaire était consacré au développement d’institutions liées aux ressources en eau en Californie du Sud. Je commençai mon mémoire en m’intéressant à l’entreprenariat impliqué dans le développement d’une série d’entreprises publiques afin de stopper l’intrusion d’eau saline dans une nappe aquifère située sous un secteur de la région métropolitaine de Los Angeles. Un de mes camarades étudiants, Louis Weschler, menait une étude parallèle sur une nappe adjacente, laquelle faisait l’objet de mesures institutionnelles différentes dans le cadre de la lutte contre des problèmes similaires. Tandis que Weschler et moi-même terminions nos travaux, il apparut que, pour chaque nappe, les mesures institutionnelles adoptées avaient permis aux producteurs d’eau d’éviter la perte économique catastrophique qu’aurait occasionnée l’inondation des deux nappes par l’océan Pacifique (E. Ostrom, 1965 ; Weschler, 1968).

A la fin des années 1960, Vincent et moi participâmes au Programme de recherche des Grands Lacs initié par le Batelle Mémorial Institute (V. Ostrom et E. Ostrom, 1977b), mais la majeure partie de mon travail, en tant que jeune enseignante, se focalisait sur des problèmes liés à la mise en place de services urbains et d’économies publiques dans les zones métropolitaines. En 1981, Paul Sabatier, qui fut mon collègue pendant un an au Centre de recherche interdisciplinaire de l’Université de Bielefeld, me demanda d’organiser un séminaire sur le thème de «l’apprentissage organisationnel». J’utilisai, comme exemple d’apprentissage organisationnel, l’ensemble de règles que les exploitants des nappes aquifères californiennes avaient développé. Paul voulut alors savoir pourquoi j’étais si certaine que les systèmes que j’avais étudiés 15 ans plus tôt étaient toujours opérationnels et fonctionnaient de manière performante. À l’époque, je n’eus aucune réponse satisfaisante à apporter à cette question, si ce n’est que les institutions avaient été si bien taillées sur mesure pour le contexte local que je supposais qu’elles avaient survécu et se portaient bien.

Présentation de l’éditeur

La question de la gouvernance des ressources naturelles utilisées conjointement par de nombreux individus revêt une importance croissante pour les analystes politiques. Tant la nationalisation que la privatisation ont été mises en avant mais ni l État ni le marché n ont été uniformément en mesure de résoudre les problèmes liés aux ressources communes.

Remettant en question les fondements de l analyse politique telle qu appliquée aux ressources naturelles, Elinor Ostrom fournit dans cet ouvrage un ensemble unique de données empiriques afin d étudier les conditions dans lesquelles des problèmes de ressources communes ont été résolus, de manière satisfaisante ou non.

Le Dr Ostrom décrit d abord les trois modèles les plus fréquemment utilisés en tant que fondements pour préconiser des solutions se basant sur l État ou le marché. Elle passe ensuite en revue les alternatives théoriques et empiriques à ces modèles afin d illustrer la diversité des solutions possibles. Dans les chapitres suivants, elle fait appel à l analyse institutionnelle en vue d examiner diverses stratégies fructueuses ou infructueuses de gouvernance des biens communs.

Contrairement à ce qu affirme l argument de la « tragédie des biens communs », les problèmes de ressources communes peuvent être résolus par des organisations volontaires plus efficacement que par un État coercitif. Parmi les cas considérés figurent la tenure communale de prairies et de forêts, des communautés d irrigation, des droits relatifs à l eau ainsi que des sites de pêche.

La gouvernance des biens communs apporte une contribution majeure à la littérature analytique et à notre conception de la coopération humaine.