Comment le pair à pair peut faciliter la régénération et la résilience des écosystèmes ?

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En ces temps de confinement forcé pour près de 4 milliards d’humains, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Michel Bauwens. À la fois auteur, conférencier et prospectiviste, Michel est notamment le fondateur de la P2P Foundation en 2005. En tant que grand spécialiste du pair à pair et de la pensée systémique, Michel a un regard très fin sur la situation que nous vivons actuellement, il nous donne des clés de compréhension en s’appuyant sur l’Histoire mais aussi sur de nombreuses initiatives naissantes ou montantes de notre époque. Cela donne un épisode passionnant que je suis heureux de vous partager.
« Mettre fin à la destruction de la biosphère et œuvrer à sa régénération »

D’abord, il me semble utile de faire une brève introduction sur la P2P Foundation et le pair à pair.

P2P est une abréviation de « peer to peer », parfois aussi décrit comme « personne à personne ». L’essence du P2P est cette relation directe, et ses principales caractéristiques sont les suivantes

  • Création de biens communs par des processus de production et de gouvernance ouverts et participatifs
  • Accès universel garanti par des licences telles que Creative Commons, GPL, Peer Production License.

Depuis 2005, la fondation agrège les informations, exemples et tendances et met en relation les initiateurs de projets s’inscrivant dans le mouvement P2P. Wikipedia est probablement l’exemple actuel le plus connu notamment en ligne mais il en existe bien plus et pas uniquement en ligne. En effet, ce mode de fonctionnement se retrouve dans de nombreux domaines comme dans l’industrie automobile avec WikiSpeed, Arduino pour l’électronique ou Threadless dans le textile. Dans notre société largement influencé par le capitalisme, la notion de commun est souvent mal considérée ou parfois même incomprise. Michel y revient pendant cet épisode. Ces « ressources partagées, gérées par leurs propres utilisateurs selon des règles qu’ils ont eux-mêmes fixées » permettent pourtant des utilisations nettement plus efficaces des ressources et une meilleure diffusion de l’information par exemple. À tel point que les priorités stratégiques de la P2P Foundation sont définies ainsi :

  • Mettre fin à la destruction de la biosphère et œuvrer à sa régénération en abandonnant les conceptions dangereuses de la pseudo-abondance dans le monde naturel (en partant du principe que les ressources naturelles sont infinies et que l’innovation technologique rencontrera à elle seule toutes les solutions nécessaires).
  • Promouvoir le libre échange culturel en abandonnant les conceptions de pseudo-abondance dans le monde culturel qui entravent l’innovation (en partant du principe que la libre circulation de la culture doit être limitée par un excès de brevets, de droits d’auteur, de propriété intellectuelle, etc.)

Depuis quelques années, Michel Bauwens a régulièrement rappelé que chaque cycle se termine par une grande crise systémique, à la fois écologique, économique et social. En ajoutant que, ce jour là, il faudra être équipé de nouvelles solutions pour faire émerger un nouvel équilibre de société. Néanmoins, il pressentait cette crise majeure aux alentours de 2030 et, puis, le corona virus est passé par là. Nous voilà donc entré dans un évènement majeur de l’Histoire sans nous en rendre vraiment compte.
« La sélection naturelle au niveau de la civilisation humaine se fait au niveau des communautés, ce sont les groupes résilient qui survivent à ce genre d’époque »

En évoquant différents ouvrages, entre autre Rethinking the world de Peter Pogany, Michel nous livre son impression sur la crise du Covid-19 et décrit le manque de préparation des Etats, notamment occidentaux, le manque de résilience du système économique actuel mais aussi la montée en puissance de mouvements solidaires citoyens. Michel Bauwens pointe notamment les manquements des pays occidentaux notamment depuis la crise de 2008 et le manque de considération des externalités dans le système capitaliste avec toutes les conséquences associées. Il développe la notion de comptabilité écosystémique et la transition que nous vivons actuellement entre des systèmes compétitifs fermés et des systèmes compétitifs ouverts. Enfin, on évoque aussi l’intérêt des communs dans la dynamique de régénération des territoires mais aussi d’amélioration de leur résilience. Bref, un épisode dense mais passionnant que vous pouvez écouté dès maintenant.