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Communs et transformations sociales : expériences européennes sous un regard pluriel

A partir de la rentrée 2015, la chaire d’économie sociale et solidaire (ESS) de l’université Paris Est Marne-laVallée (UPEM) a mis en place un programme de recherche autour des communs sur la base de l’hypothèse de travail suivante : est-il possible de concevoir certaines des réalités de l’économie sociale et solidaire comme des modèles de commun en se référant à la définition générique qu’en propose Coriat (2015) à la suite d’Ostrom (1990).

Plus précisément, sur la base de cette définition, les réalités de l’ESS visées dans ce programme, tels les pôles territoriaux de coopération économique, les monnaies locales complémentaires, les communautés alternatives ou, encore, les territoires zéro chômeur de longue durée, dessinent-elles une nouvelle catégorie de communs. A côté des communs traditionnels autour des ressources naturelles et des communs numériques autour de communautés de connaissance, ces réalités pourraient être qualifiées de communs ESS ou de communs sociaux ?

L’enjeu de ce programme de recherche dépasse la seule question de la délimitation d’une nouvelle catégorie de communs dont l’ESS serait le lieu. Il est aussi d’ouvrir une réflexion sur la possibilité pour l’ESS de trouver dans le modèle des communs sociaux la voie théorique et pratique d’une alternative en tant que mode de développement durable et solidaire (cf. Defalvard, 2015).

Pour marquer une première étape dans ce travail, la chaire ESS-UPEM a souhaité se rapprocher des travaux sur les communs menés dans une perspective juridique en Italie. En effet, l’UPEM est déjà associée à l’université de Pise dans le cadre de la thèse de doctorat de Benedetta Celati portant sur les aspects juridiques du financement des communs, sous la double tutelle de Michela Passalacqua (Sciences juridiques à Pise) et d’Hervé Defalvard (Sciences économique à l’UPEM).

Afin d’organiser ces échanges sur les communs aussi bien dans une dimension pluridisciplinaire qu’internationale, un workshop a été organisé à l’UPEM le lundi 16 mai 2016, réunissant des contributions qui forment les six premiers articles de ce numéro spécial des Cahiers de la Chaire ESS-UPEM « Communs et transformations sociales : expériences européennes sous un regard pluriel » dont le titre reprend celui du Workshop.

Cliquez ici pour lire ce numéro spécial des Cahiers de la Chaire ESS-UPEM… (PDF – 148 pages)

Economie Collaborative : la riposte de l’ESS

Un article de Sébastien Poulet-Goffard initialement publié sur Medium, reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

L’économie collaborative serait-elle toute entière entre les mains du capitalisme le plus sauvage? Pas tout à fait…. ça et là, des porteurs de projets résistent. Et l’ESS, qui voit dans les plateformes collaboratives un formidable outil, non pas de captation, mais de distribution de valeurs entend bien défendre sa place. Le 13 décembre 2016, le Labo de l’ESS organisait une conférence intitulée “Vers une économie collaborative sociale et solidaire”. L’occasion de faire le point sur la question.

L’opération séduction d’Airbnb est bien rodée: d’abord rappeler que sans la firme californienne, des quartiers entiers tomberaient en décrépitude, puis insister sur les retombées financières pour les économies nationales. En un an, pour la France, ce serait un gain de 2,5 milliards d’euros, gagnés par les hôtes et dépensés par les touristes.

Airbnb ne nous veut que du bien. La preuve, l‘entreprise porte des valeurs d’accueil, de générosité et de partage. Elle a inventé le tourisme collaboratif et supprimé les intermédiations qui freinaient les rencontres. Brian Chesky, co-fondateur et DG d’Airbnb ne cesse d’ailleurs de le répéter: « Je rêve d’un monde où les gens ne vivent pas pour posséder de nouveaux biens, mais pour les partager ».

C’est donc ça l’économie collaborative. Un monde amélioré, où l’offre des uns, satisfait la demande des autres via des plateformes digitales organisant une horizontalité bienveillante. Un monde libéré des anciens intermédiaires et des organisations pyramidales qui sclérosaient et freinaient les échanges. L’heure est à la rencontre, directe, et au bénéfice de tous.

Des mauvaises langues diront pourtant que c’est surtout au bénéfice de quelques uns. Avec un chiffre d’affaires estimé à 65 millions € dans l’Hexagone, le leader mondial de l’hébergement sur Internet – par ailleurs valorisé a plus de 20 milliard € — n’investit pas un centime dans les biens utilisés, et ne paye que 69 168€ d’impôts à l’Etat français.

Le Parisien 11 août 2016

On est donc très loin de l’économie coopérative, dont l’un des piliers consiste, justement, à partager les risques et à mettre en commun la valeur créée. Une confusion qui demeure, savamment entretenue par certains qui ont intérêt à draper l’économie collaborative d’une aura solidaire. Question d’image…

Agacé par cette mystification et afin de lever toute ambiguïté, Hugues Sibille, président du Labo de l’ESS publiait en juillet dernier, en pleine guerre des taxis, une tribune dans les colonnes de La Croix. Intitulé, “Affaire Uber : économie collaborative et économie coopérative ne sont pas synonymes”, le texte s’attache à remettre les pendules à l’heure.

“L’économie coopérative repose sur des groupements de personnes et non de capital, dans lesquels les usagers ou les salariés (ou les deux) ont le pouvoir sur l’entreprise (une personne égale une voix) et se partagent les résultats après avoir fait des réserves. Chez Uber, les résultats repartent aussitôt dans la Silicon Valley après un passage par les Bermudes pour échapper à l’impôt”, rappelle Hugues Sibille.

D’après l’auteur, il est tout simplement temps pour l’ESS de passer à l’offensive et de reprendre la main sur les approches collaboratives qui permettent à chacun de devenir acteur et de partager les usages. Les rencontres Prospectiv’ESS organisées par le Labo constituent l’Acte 1 de cette reprise en main. Il y avait eu le 29 mars 2016 un événement intitulé “Economie Collaborative et ESS — je t’aime moi non plus?” , une rencontre d’experts invités à débattre autour d’ateliers participatifs.

Dans le prolongement, le Labo réunissait ce 13 décembre des acteurs autour de trois tables rondes thématiques afin de porter des propositions concrètes pour “Une économie collaborative, sociale et solidaire”. C’est, pour Hugues Sibille, militant de la pluralité des économies, une façon d’occuper le terrain et de doter l’ESS d’outils de résistance, voire de conquête!

Présente à l’ouverture de la conférence, Odile Kirchner, déléguée interministérielle à l’ESS, estime qu’il est important que le Labo et plus largement l’ESS s’emparent de cette question. “Au-delà des modèles purement capitalistes, l’économie collaborative peut, en soit, être un vecteur d’accès à un mode de vie plus frugale en proximité avec les aspirations d’un nombre grandissant d’individus, explique-t-elle. Dès lors, il y a urgence à ce que l’ESS se dote d’ambitions et d’outils de financements qui permettront aux projets coopératifs de se développer plus rapidement, sans quoi les bonnes idées seront fatalement toujours captées par l’économie classique. C’est notamment pour cela que j’en appelle à un rapprochement avec la Frenchtech pour une hybridation et une acculturation réciproque”, dit-elle.

Pour Laurent Bougras de Fairbooking — la plateforme éthique et solidaire de mise en relation directe entre hébergements et voyageurs- il y a vraiment urgence à insuffler un peu de social au modèle collaboratif. Il rappelle notamment que les hôteliers ont versé en 2015 plus d’1 milliard € de commissions aux plateformes de réservation en ligne. Et il insiste: “Tout cet argent sort du territoire, et n’est pas investit dans l’embauche ou l’entretien des bâtiments. A terme, tout ceci va nuire à la destination France, et le pays tout entier en pâtira.”

C’est pour cela que Paola Tubaro, chercheuse et sociologue au CNRS en appelle à une implication croissante des pouvoirs publics locaux, notamment pour dessiner les villes sur le long terme à la manière des smart cities. “Les nouveaux usages de la ville sont nombreux. Et le Velib est une expérience de partage institutionnel assez pionnière, dit-elle. La société civile fait par ailleurs preuve d’un dynamisme renouvelé avec l’émergence d’une diversité d’initiatives comme les FabLab, ancrés sur leur territoire, utilisant les outils communautaires pour lever des fonds mais se revendiquant de l’ESS. Il faut les soutenir”.

Pour l’économiste Philippe Fremeaux, l’économie sociale est forcément collaborative. Historiquement, tout est parti du regroupement d’individus qui ont collaboré pour résoudre des problématiques qu’ils avaient collectivement identifiées. “Toutes les mutuelles appartiennent, en soi, à l’économie collaborative. Ce qu’il faut valoriser dès lors, ce n’est pas le capital, que nous n’avons pas beaucoup dans l’ESS, mais le nombre, qui constitue un vrai pouvoir”, explique-t-il. “Si on avait attendu d’avoir suffisamment de fonds pour créer les premières caisses mutuelles, la Maif et les Caisses d’Epargne n’existeraient pas”, explique-t-il.

La question du financement demeure tout de même une question récurrente dans l’Economie Sociale et Solidaire. Julien Benayoun, de 1001PACT, première plateforme d’equity Crowdfunding dédiée aux entrepreneurs sociaux agréée par l’AMF témoigne: “Les réseaux d’accompagnement sont nombreux et les solutions financières existent en phase d’amorçage. Mais en temps 2, quand la preuve du concept est faite, il est difficile de se financer, il n’existe pas de Business Angels dans l’ESS comme dans l’économie classique”.

C’est pour répondre à cet enjeu que la CG Scop s’apprête à lancer le fonds d’investissement CoopVenture, pour financer et accompagner les startups numériques, en complément de la chaîne d’accompagnement déjà existante, afin de garder la valeur et les emplois sur les territoires.

“Mais il faut aussi que les territoires aient les moyens d’innover et d’expérimenter”, indique Denis Hameau, Conseiller municipal de Dijon, VP de la Region Bourgogne Franche-Comté pour l’ESS. “Promulguer une loi cadre ou faire un schéma, ce n’est rien si nous ne sommes pas capables de réunir au local les bonnes volontés autour d’innovations à fort potentiel”, explique-t-il.

“Il n’empêche, au niveau Bruxellois, sur le terrain de l’ESS et des modèles horizontaux, la France est très regardée, et elle a valeur d’exemple”, rappelle Michel Catinat, à la tête de l’unité Clusters, économie sociale et entrepreneuriat de la Commission Européenne, qui porte notamment le programme de soutien Start-up Scale-up.

Et c’est justement parce que l’ESS, en France, a une petite longueur d’avance qu’il faut mieux l’armer et l’aider à prendre la place qui lui revient dans l’économie collaborative. Du repérage des projets, à l’accompagnement et au financement du changement d’échelle, à la structuration de l’emploi, en passant par la protection des salariés, jusqu’à l’évaluation de l’impact des structures coopératives, les chantiers sont nombreux. Cela ressemble un peu à une feuille de route pour le Labo de l’ESS.

Illustrations d’Héloïse Chochois, reproduites avec son aimable autorisation.

L’expert Michel Bauwens fait des recherches sur Gand comme « ville des Communs de l’avenir »

Un plan de transition des Communs décrira le rôle et les possibilités de la Ville pour renforcer les initiatives citoyennes.

A partir du 15 mars 2017, l’expert peer-to-peer Michel Bauwens mènera un projet de recherche et de participation de trois mois à Gand sur la «ville de l’avenir en commun». La recherche devrait aboutir à un plan de transition des Communs, décrivant les possibilités et le rôle de la Ville de Gand (en tant qu’autorité locale) dans le renforcement des initiatives citoyennes. Avec cela, la Ville souhaite donner une nouvelle dimension à une économie durable et éthique à Gand.

Michel Bauwens (58 ans) travaille depuis plus de dix ans sur le thème de l’économie et de la société des biens communs. Il est sollicité dans le monde entier comme conférencier ou pour donner des ateliers, et il est l’auteur du best-seller «Sauver le monde : vers une société postcapitaliste avec le P2P». Bauwens a dirigé un projet similaire de recherche et de transition en Équateur. Le grand journal français, Libération, se réfère à lui comme le théoricien de premier plan sur le thème de l’économie de la coopération, à la suite de l’édition française du livre.

Le terme « commun » ou «bien commun» désigne les biens qui sont gérés par la communauté des producteurs, des utilisateurs et des citoyens qui en sont affectés ou qui en bénéficient. Les Communs comme une nouvelle forme d’organisation est illustrée par une variété d’initiatives autour de la production et la consommation avec l’idée de parvenir à une société plus durable. Il peut s’agir, par exemple, de la mise en place de coopératives énergétiques ou d’espaces de travail partagés pour le co-working. Les exemples à Gand sont EnerGent, LikeBirds, Voedselteams, Wijdelen, etc.

Toutes ces initiatives montrent que «les commus urbains» sont vivants et s’installent aujourd’hui dans la ville.

Le processus de recherche et de participation mettra en évidence les initiatives de communs à Gand ainsi que leur potentiel pour la société et l’économie. Les entrepreneurs de l’économie de partage seront également impliqués dans cette recherche. Ils seront interrogés sur les problèmes qu’ils rencontrent d’un point de vue structurel et sur leurs souhaits d’appui et de coopération en relation avec la ville de Gand en tant qu’autorité locale.

Le processus aboutira à un plan de transition des Communs qui décrit les options pour des interventions publiques optimales. Il devrait offrir le cadre pour la réglementation et le soutien des initiatives dans l’économie du partage. Un certain nombre de villes étrangères ont été utilisées comme point de repère (comme Barcelone, Bologne, Séoul), qui ont déjà ouvert la voie à la reconnaissance et à la promotion des pratiques de communs.

Source : Stad.gent

La loi et les communs

Cet article est une synthèse de la publication et contribution de Valérie Peugeot au colloque de Cerisy qui a eu lieu en Septembre 2016.

Le titre de l’article initial est : FACILITATRICE, PROTECTRICE, INSTITUANTE, CONTRIBUTRICE : LA LOI ET LES COMMUNS

L’article est dense et suppose une première approche des communs. Il montre comment « des initiatives législatives récentes montrent qu’une reconnaissance explicite des communs est possible« .

Pour cela, l’auteure analyse comment la notion de communs est entrée dans la loi, sans que pour cela le mot soit nommé, par le biais de 5 articles, même si les 2 derniers sont surtout un mélange de faux espoirs et de petites avancées :

  1. la loi ALUR, loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi Duflot II, adoptée le 26 mars 2014. Elle rend possible la mise en place d’organismes fonciers solidaires grâce à 4 innovations juridiques qui créent un faisceau de droits :
    1. dissociation de la propriété et du bâti et du foncier
    2. bail rechargeable (donc de facto perpétuel)
    3. conditions de cession fixées en amont
    4. gestion sur un mode collectif (gouvernementalité tri-partite familles / voisins / pouvoirs publics)

    Pour l’auteure, « nous sommes ici dans un cas de commun relativement pur« .
    La loi crée également  2 statuts qui vont sécuriser juridiquement les personnes qui s’engagent dans l’habitat participatif : la société d’attribution et d’autopromotion et la coopérative d’habitants (le second ramenant aux communs).

  2. loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (ESS), dite loi Hamon. Dans cette loi, 5 éléments participent à la mise en avant des communs :
    1. la définition de l’ESS est sortie d’une approche statutaire (réservée à certaines structures seulement) pour aller vers une définition par les finalités (un but autre que le seul partage des bénéfices), ce qui permet ainsi à des structures porteuses de communs (y compris des entreprises commerciales) de s’en emparer pour aménager leur statut.
    2. l’ancrage juridique du concept d’innovation sociale : ce constat d’impuissance du marché et de l’action publique inscrit dans la loi ouvre l’espace pour légitimer les communs.
    3. l’encouragement du secteur coopératif qui est un des statuts les plus intéressants pour les communs qui ont besoin de s’institutionnaliser
    4. l’encouragement aux coopératives d’activités et d’emplois (CAE) : c’est un début de réponse à la situation d’une économie qui tend à atomiser et isoler le travailleur en repensant le travail comme un commun.
    5. l’encouragement des monnaies locales qui étaient jusqu’ici tolérées.
      .
  3. loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV) du 17 août 2015 + ordonnance du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité (financement participatif, autoconsommation collective : les énergies renouvelables produites et / où consommées en commun). On voit se construire une approche polycentrique et ascendante. Des communautés se mettent en action de manière distribuée. Des petits fragments de cette loi participent à l’émergence des communs de la transition énergétique  :
    1. l’encouragement au financement participatif de la production d’énergie renouvelable : l’auteure considère que le fait que des communautés d’acteurs puissent se mobiliser en amont pour de la production distribuée est un début de gouvernance en commun, même si c’est un balbutiement.
    2. l’autoconsommation est instituée par cette loi qui promeut l’autoconsommation individuelle mais aussi collective. Des collectifs d’acteurs producteurs d’énergie peuvent re-consommer l’énergie produite en circuit court. Il s’agit d’un commun en production et en consommation.
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  4. loi dite de reconquête de la biodiversité du 20 juillet 2016 : elle limite les pratiques de brevetage du vivant, plus spécifiquement pour les semences. « Indirectement, la loi renforce le domaine public puisqu’elle institue de l' »inappropriable«  et en protégeant les droits d’usage associés« . Cela ouvre ouvre la voie à des communs environnementaux volontaires.
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  5. loi pour une république numérique, dite loi Lemaire, du 20 juillet 2016. 7 avancées sont repérées :
    1. ouverture par défaut des données publiques, ce qui nourrit les communs informationnels
    2. encouragement à l’utilisation des logiciels libres et systèmes ouverts par l’administration
    3. introduction du concept de « données d’intérêt général » transmissibles dans un format ouvert et librement réutilisable, ce qui ressemble à une mise en commun de données de source privée. 
    4. inscription dans la loi de l’open access (même s’il n’est pas obligatoire)
    5. text and data mining : faculté qu’ont les chercheurs d’effectuer des recherches dans des textes qui sont encore sous droits d’auteur
    6. liberté de panorama partielle : les photographies ne peuvent être qu’à usage non commercial.
    7. principe de neutralité du Net consacré juridiquement

Malgré toutes cas avancées plus ou moins concrètes, le terme de « commun » reste interdit d’énonciation explicite dans la loi pour le moment. Mais on peut s’en passer. Il suffit de considérer combien d’initiatives font déjà du commun sans le savoir…

Ecouter Valérie Peugeot (Source : Coop des communs) :

 

Photo d’illustration : darius norvilas sur Flickr, CC BY-NC 2.0

Contribuer à l’émergence d’une société neuve et vive – Des chemins à investir

Olivier Frérot

Editions Solidarités émergentes

mail-livre-emergence2frerotUn de nos plus grands désarrois actuels est la progressive disparition de ce que nous appelons le Bien Commun. Nous ne comprenons pas pourquoi ce qui était encore efficace il y a peu ne l’est plus; pourquoi la machine publique qui produisait globalement du bien pour nous tous, s’est enrayée.

Nous pouvons être gagnés par l’amertume et le ressentiment. Ne devrions-nous pas regarder cette évolution avec lucidité ? Sinon, des tragédies pourraient bien nous submerger et la barbarie revenir. Il importe donc de comprendre ce qui nous arrive en ce début de XXIe siècle, où est passé ce Bien Commun qui nous tenait positivement ensemble et s’il n’est pas en train de se métamorphoser en une autre forme.
Cet ouvrage montre ce qui est en train de naître au cœur de la société, ils s’ouvrent des chemins inédits et enthousiasmants pour la pensée et pour l’action.

Illustration : Annie Demongeot

L’auteur :

Olivier Frérot, né en 1959, a fait des études scientifiques. Il est diplômé de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées. Il obtient également un DEA de pharmacologie. Il entre au Ministère de l’Equipement en 1985.

Il aura des responsabilités managériales dans différentes directions départementales de l’Equipement, avec notamment celles de directeur dans le Territoire de Belfort de 1998 à 2002, puis dans le département de la Loire à Saint-Etienne de 2002 à 2007. Il dirige l’Agence d‘urbanisme de Lyon de 2007 à 2012, puis il change d’orientation en prenant la responsabilité de vice-recteur en charge du développement à l’Université catholique de Lyon depuis la mi-2012 à mi 2012 à mi 2016.

A partir de septembre 2016, il crée Philométis et devient consultant-coopérateur à la coopérative Oxalis, en proposant une réflexion approfondie sur la métamorphose de notre société.

Commander le livre…

Nuit Debout et les Communs : convergence réussie ou occasion manquée ?

Intervention de Lionel Maurel dans le cadre du Colloque « Vers une République des communs ? »

Né le 31 mars 2016 en opposition à la Loi Travail « et son monde », le mouvement Nuit Debout s’est transformé plusieurs mois durant en une occupation de la Place de la République à Paris, qui a essaimé dans de nombreuses villes de France et au-delà. S’inscrivant dans la filiation des mouvements d’occupation des places initiée avec les Indignés de Madrid et Occupy Wallstreet, les liens entre Nuit Debout et les Communs interrogent.

Les Communs ont en effet joué un rôle notable pendant ou après certains des mouvement sociaux anti-austérité de ces dernières années, que ce soit pendant le Printemps Érable au Québec en 2012, lors de l’occupation de la Place Syntagma en Grèce ou avec les listes politiques issues du 15 M en Espagne qui ont remporté les élections à Madrid et Barcelone. Pour Nuit Debout, ce lien est cependant plus complexe à établir. Alors même qu’un tissu des Communs s’est développé en France et commence à se structurer, on ne trouve que peu de références aux Communs dans les textes qui ont été produit par les militants de Nuit Debout. Les acteurs des Communs n’ont pas réellement produit en tant que tel un discours contre la loi Travail et s’ils ont été assez nombreux à participer à Nuit Debout à titre individuel, on ne peut pas dire que les Communs se soient emparés de ce mouvement collectivement. Pourtant, lorsque l’on regarde le mode de fonctionnement concret de Nuit Debout, notamment au niveau de l’occupation de la Place de la République à Paris, on constate que beaucoup des composantes du mouvement se sont structurées comme des Communs pour faire face aux défis logistiques et organisationnels auxquels elles étaient confrontées. C’est le cas notamment des commissions structurelles de Nuit Debout (Accueil, Sérénité, Cantine, Infirmerie, Logistique, Bibliothèque) qui ont permis au mouvement de tenir dans la durée. Ces groupes ont géré des ressources partagées en se donnant des règles de gouvernance ouverte que l’on peut analyser selon les principes dégagés par Elinor Ostrom. La place est aussi devenue pour beaucoup de populations marginalisées un lieu où venir puiser des ressources, réactivant des pratiques de glanage liées depuis des temps immémoriaux aux Communs. Nuit Debout pose aussi la question de l’appropriation de l’espace public comme un Commun et le mouvement a dû affronter des phénomènes d’enclosure initiés par les pouvoirs publics ou par des des acteurs privés extérieurs. Il a dû aussi lutter contre des tentatives de capture de l’action collective opérées de l’intérieur, visant à confisquer la gouvernance du mouvement ou ses moyens de communication.

Le paradoxe de Nuit Debout est donc le suivant: ses acteurs ont agi au sein de processus qui peuvent être analysés comme des Communs et ils ont dû affronter les menaces qui pèsent traditionnellement sur les Communs. Mais seule une petite partie de ses membres l’ont fait consciemment et le discours des Communs transparaît au final peu dans les productions et revendications du mouvement. Pourtant, les Communs auraient sans doute pu apporter un élément qui a cruellement fait défaut au mouvement. Malgré l’objectif affiché de « convergence des luttes », Nuit Debout a en effet peiné à faire la synthèse entre les multiples revendications qui se sont exprimées en son sein, réfractées et éclatées parmi la multitude des commissions qui le composaient. Parvenant difficilement à dépasser des revendications vagues comme l’opposition au système capitaliste, Nuit Debout n’a pas réussi à articuler un projet alternatif cohérent. Or la pensée des Communs possède de son côté la capacité en embrasser un spectre très large, alliant questions sociales, économiques, environnementales, numériques, urbaines, éducatives et plus encore. Le « liant » théorique et idéologique qui a manqué à Nuit Debout aurait pu être trouvé du côté des Communs. Sachant par ailleurs que plusieurs penseurs des Communs, comme Michel Bauwens par exemple ou le duo Dardot et Laval, développent des discours révolutionnaires envisageant des scénarios de convergence sur la base d’alliances renouvelées entre groupes sociaux.

Y a-t-il eu dès lors convergence réussie ou rendez-vous manqué entre Nuit Debout et les Communs? Comment modifier le discours sur les Communs pour lui donner un impact politique plus explicite et une plus forte capacité de mobilisation lors de mouvements sociaux comme Nuit Debout? Quelles convergences intellectuelles peut-on construire avec certaines figures ayant inspiré ce mouvement (Le comité invisible, Frédéric Lordon, François Ruffin) ? Sur quels groupes sociaux peut-on enfin s’appuyer pour enclencher la « révolution des Communs » que certains appellent de leurs voeux ?

 

Article initialement publié sur le blog de la Coop des Communs sous licence CC BY SA.

Photo : Olivier Ortelpa, Flickr CC BY 2.0

Permaéconomie

Emmanuel Delannoy

Collection « Le monde qui vient »
Editions Wildproject (Octobre 2016)

permaeconomieEncore masquée par le fracas du vieux monde, une révolution économique est en cours. Fondée sur une nouvelle relation au vivant, inspirée de la permaculture, la permaéconomie entretient la richesse de la biosphère, ce socle fondamental de toute prospérité.

Or dans son fonctionnement actuel, notre économie ne semble plus capable de créer la prospérité partagée qu’on est en droit d’attendre d’elle. La confiance n’y est plus. À qui la faute ? S’il y a bien sûr les excès d’un capitalisme « hors sol », financiarisé à outrance, il y a aussi la majorité silencieuse qui laisse faire, dépassée par un système dont les rouages lui échappent.

Chercher à comprendre, c’est déjà désobéir. Entreprendre autrement, produire autrement, consommer autrement, c’est déjà résister. De nouveaux modèles révolutionnaires sont déjà à l’oeuvre : économie circulaire, économie de la fonctionnalité, biomimétisme…

La permaéconomie est le nouveau paradigme qui permet de les mettre en cohérence. Emmanuel Delannoy en présente ici les principes et ses premières réalisations, pour les citoyens, les entrepreneurs, et les décideurs.

Sommaire :

Introduction

I. Tout est là : la prochaine révolution industrielle a déjà commencé

Sortir des sentiers battus
Coopérer plus, coopérer mieux
Innover… dans la manière d’innover
Ressources, précieuses ressources
Une économie qui réinvestit dans le capital naturel
La question de l’emploi

II. La vraie nature des changements en cours
Quand notre histoire rencontre celle du vivant
La révolution industrielle, et ses héritages
Retour aux fondamentaux
Ce que nous dit le vivant sur notre économie
Coopérations et symbioses
Crise, quelle crise ?
L’exaptation, l’accélérateur de transition

III. La permaéconomie, ou l’économie au service de la vie
Une économie circulaire, inspirée par le vivant
Changer d’échelle
De la quête de maîtrise à une nouvelle alliance avec le vivant
Un cadre pour la vision… et l’action
Une chance à saisir

Annexes

Pierre Thomé : quel avenir pour les communs ?

Entretien avec Pierre Thomé, auteur de l’ouvrage (Biens) Communs : quel avenir ? Un enjeu stratégique pour l’ESS

Maïa (P2P Foundation) : pouvez-vous nous dire par quel parcours vous êtes passé pour aboutir à la rédaction de ce livre ?

Pierre : Je suis retraité depuis 2003 et je dispose ainsi de pas mal de temps libre et d’un « revenu de base » suffisant. J’ai passé toute ma carrière dans le domaine de l’action sociale, en particulier la protection de l’enfance, en commençant comme éducateur spécialisé et en finissant comme chercheur auprès du Conseil général du Rhône.

Une fois en retraite, ma réflexion s’est orientée vers des thèmes qui m’étaient chers dans les années 1970, et notamment celui de l’autogestion qui s’est développé en France et en Europe à cette époque. Après mai 68, je me suis investi dans la mouvance autogestionnaire. C’était le début de la désindustrialisation en France, l’affaire de l’usine horlogère Lip à Besançon est sans doute la première grande lutte contre cet état de fait, elle en est devenue un symbole. A cette époque, la tentative de redémarrage de l’usine a représenté une menace pour le pouvoir politique qui a tout fait pour empêcher cette relance.

C’est aussi l’époque du projet d’extension d’un camp militaire sur le plateau du Larzac dans les Cévennes. L’armée avait commencé à s’emparer de pâturages et 103 paysans ont créé ce que je qualifierais aujourd’hui de « commun » (ça ne portait pas ce nom là à l’époque). Cette décision fut accompagnée par un vaste mouvement populaire qui a généré de grands rassemblements sur le plateau allant jusqu’à plus de 100 000 personnes. Cette lutte a abouti en mai 1981 à la décision de François Mitterrand, fraîchement élu président de la République, de stopper le projet. 6 000 hectares ayant déjà été réquisitionnés, de longues discussions avec le Ministère de l’Armée et celui de l’Agriculture ont permis de signer un bail emphytéotique de 99 ans et de créer le premier office foncier agricole en France : la Société civile des terres du Larzac. Les terres sont gérées depuis de manière collective et des locations sont proposées à des agriculteurs. José Bové, qui possède une exploitation sur place, fut une des figures emblématiques de cet épisode. Selon lui :

Il n’y a pas besoin d’être propriétaire du foncier pour aimer la terre et bien la cultiver.

C’est à cette époque que j’ai rejoint le Parti Socialiste Unifié (PSU) dans lequel se trouvait par exemple Michel Rocard (jusqu’en 1974). Pour la gauche socialiste, le PSU était un laboratoire d’idées s’appuyant sur des actions collectives locales (loyers, charges locatives, équipements socio-culturels…) dans de grands ensembles en plein développement (Sarcelles, Grenoble, Villejean à Rennes…). J’ai été très investi dans des projets touchant à la vie de la cité (école, achats collectifs, centres sociaux…).

Une fois en retraite, j’ai retrouvé d’anciennes relations de ce parti. Nous nous sommes demandés pourquoi l’idée d’autogestion avait pratiquement disparu des écrans politiques de la gauche de gouvernance. Nous avons alors décidé de chercher s’il en restait quelques traces, ce qui nous a rapidement conduits vers l’Économie Sociale et Solidaire fondée sur : la vie associative et la vie coopérative, le fonctionnement démocratique avec le moins de hiérarchie possible et la volonté de travailler autrement.

C’est ainsi que, par exemple, j’ai découvert Ardelaine en Ardèche, une aventure démarrée dans les années 1980 par cinq personnes qui ont racheté une filature à moitié en ruine et qui ont recréé toute la chaîne de la laine, de la tonte à la fabrication de vêtements et de literie. Aujourd’hui cette coopérative compte 50 salariés (plus de la moitié sont coopérateurs) et a relancé l’économie et la vie sociale d’un village de 500 habitants avec des ateliers de fabrication, un musée de la laine (20 000 visiteurs par an), un café-librairie et un restaurant, en quelque sorte une multiplication de communs !

Tout cela a conduit à l’écriture de Créateurs d’utopies. Démocratie, autogestion, économie sociale et solidaire (éditions Yves Michel) livre à la fois historique et d’actualité car illustré par de nombreux exemples d’associations et de Scop dont certaines se réfèrent encore à l’autogestion.

Ce n’est qu’un peu plus tard que j’ai découvert la notion de « communs », grâce à Elinor Ostrom lorsqu’elle a reçu le Prix Nobel d’économie en 2009, et j’ai lu le seul livre traduit en français de cette économiste américaine : La gouvernance des biens communs. En lisant cet ouvrage, Michel Rocard a d’ailleurs déclaré :

le prix Nobel pour l’autogestion ! Vous avez bien lu… 
(Libération 20/10/2009)

Je me suis donc mis passionnément à étudier la question… et je viens de publier (Biens) Communs : quel avenir ? Un enjeu stratégique pour l’économie sociale et solidaire (éd. Yves Michel)

Maïa : quels sont les objectifs de ce nouvel ouvrage ?

Pierre : à titre personnel, je suis investi comme sociétaire dans différentes coopératives (Enercoop, Terre de Liens, Ardelaine, la NEF,…). J’agis dans ce cadre pour faire de la sensibilisation et soutenir le développement de ces formes d’organisations. C’est un travail de longue haleine dont je ne verrai sans doute pas le bout, à supposer qu’il y en ait un ! Mon livre s’inscrit dans cette démarche.

Lors du récent Festival du livre à Mouans-Sartoux, j’ai constaté que le concept « (bien) commun » est encore assez étranger. J’ai notamment participé à une table ronde avec Cyril Dion, réalisateur du film “Demain, qui évoque beaucoup d’expériences alternatives sans jamais prononcer le mot « commun ». Des pratiques existent mais ne sont pas encore assez associées à ce concept, alors qu’il s’agirait de les relier pour en dégager du sens, y compris politique.

Lorsque je définis les communs, j’écarte le mot « bien » pour éviter toute confusion avec une idéologie. Par exemple, l’eau est souvent considérée comme un « bien commun universel » mais il s’agit d’une déclaration de principe très loin de la réalité tant l’eau peut faire l’objet d’un manque pour un grand nombre d’habitants de la planète et de conflits y compris militaires. Ce qui m’intéresse, c’est comment les gens peuvent s’organiser pour s’emparer de ces questions. Pour moi, un commun est une construction sociale et non un bien naturel qui irait de soi. Ce sont des personnes qui se réunissent autour d’une ressource et qui cherchent à en déterminer des droits collectifs (accès, usages, protection…) qui peuvent être contraignants et en tenant compte bien sûr des aspects réglementaires venant des acteurs publics (État et collectivités territoriales). Pour s’instituer, ces communs, la plupart du temps, se rapprochent de l’Économie Sociale et Solidaire, associations et coopératives. Et il n’est pas nécessaire de toujours rechercher des exemples extraordinaires pour les découvrir. Ainsi dans le livre, je présente les droits d’usage d’un pâturage communal situé en Savoie qui illustre très bien la notion de « consortage » (un mot utilisé en Suisse pour évoquer le fait de « partager le même sort »). Pour moi, ce mot est une excellente définition des communs :

c’est la nécessité qui fait se réunir des personnes autour d’une ressource à utiliser en commun tout en la préservant.

Dans le cas présent, il s’agissait de sauver la vie économique d’un village alors que les fermes ne trouvaient plus de repreneurs. Les huit fondateurs sont tous des fils de paysans du village qui ne se destinaient pas forcément à l’élevage. Ils évitent d’ailleurs soigneusement les questions idéologiques qui pourraient créer des conflits. Ce qui les rassemble, c’est le sauvetage du pastoralisme en montagne et ils ne voient pas d’autre solution que de “consorter”, c’est-à-dire créer des communs. Leur action est ainsi à l’origine de quatre coopératives, une association et une petite mutuelle (caisse de solidarité en cas de perte accidentelle d’une vache). Toute leur production de lait sert directement à la fabrication sur place du fruit commun : l’excellent fromage de Beaufort.

Un autre aspect important de cette expérience, c’est l’ancrage local, avec une forte territorialisation des actions. L’exemple alpin pourrait ainsi se multiplier dans tous les endroits qui ne sont pas encore trop atteints par les enclosures des fermes usines. L’un des enjeux a été de remédier à la dispersion des terres en herbage par un remembrement volontaire. Dans le village c’est un Groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC), qui est apparu comme la structure juridique la plus adaptée à cette mise en commun ; elle regroupe actuellement huit paysans-éleveurs pour un troupeau de 120 vaches laitières. L’alpage d’été reçoit aussi d’autres éleveurs et c’est un Groupement pastoral (coopérative) qui en assure la gouvernance.

Mon livre a donc pour principal objectif de faire connaître ces exemples au grand public afin de le sensibiliser à cette question des communs – ce qui est loin d’être acquis ! – avec le projet de créer une société plus juste, plus égalitaire et plus responsable de son environnement. Bien sûr, ce projet n’est pas nouveau et a déjà échoué à plusieurs reprises au cours des siècles précédents. Ma réserve se situe sans doute là : est-ce que l’on rêve ? Pourtant à l’âge “canonique” qui est le mien, je souhaite encore de tout cœur un changement politique radical et je crois qu’il est possible, à partir de l’enseignement des communs, de construire un nouveau système économique, sociale et écologique, c’est certainement un travail de longue haleine, mais je pense que l’on a bien besoin d’un récit politique capable de proposer autre chose qu’une économie financière dominant le monde en le détruisant. (Cf. Communs et ESS peuvent-ils faire système ?)

Rétributions contributives : une exploration des financements dans les communs

Catalyst est un laboratoire citoyen en innovation sociale à l’ère du numérique.  Il est ouvert à tous et se situe sur Lille et dans les alentours de Lille. Ce laboratoire vise à mieux comprendre les nouveaux sujets émergents à l’ère du numérique et à favoriser leur appropriation par tous. Dans les dernières années, Catalyst a ainsi favorisé l’émergence sur Lille et ses environs des sujets de consommation collaborative, de tiers-lieux, du mouvement des makers, des communs. Il a notamment soutenu l’émergence de l’Assemblée des Communs de Lille.

Depuis quelques mois, le collectif s’intéresse aux nouveaux modes de rétributions financières. Beaucoup de collectifs sont confrontés à des enjeux similaires autour des questions : Comment vivre de ses contributions ? Comment se répartir l’argent de manière saine, transparente et juste ? Des pistes de réflexions/actions sont en cours d’expérimentation partout dans le monde.

Le 16 septembre dernier, une journée de réflexion et de partage autour de ces questions s’est tenue à Lille. Cette journée faisait suite à celles des 23 et 24 mai 2016 durant lesquelles plusieurs outils ont été présentés (Liberapay, Co-budget, Gratipay). Des intervenants sont également venus partager leurs pratiques, comme Ploum qui pratique le prix libre, ou encore Open Collective qui permet aux groupes de rapidement mettre en place un collectif, de recueillir des fonds et de les gérer de manière transparente.

Cette seconde journée à laquelle a participé une trentaine de personnes fut donc l’occasion de faire un retour sur les expérimentations et les mises en pratique.

Retour d’expériences autour des utilisateurs de Liberapay

Les membres du collectif Catalyst ont expérimenté concrètement l’utilisation de Liberapay en injectant une somme hebdomadaire dans l’outil. Chaque contributeur pouvait ensuite se servir librement dans ce pot commun, avec les limites imposées par l’outil lui-même qui empêche d’augmenter trop vite son revenu. Ainsi, les contributeurs ont décidé eux-mêmes de leur rétribution de manière transparente. Après quelques mois, un bilan a été fait, dont il ressort les éléments principaux suivants :

  • A ce stade, le nombre d’utilisateurs de l’outil n’est pas suffisant, ce qui provoque beaucoup de flux croisés (A donne à B qui donne à C qui donne à A). Il y a quasiment autant d’équipes que d’utilisateurs, ce qui ne permet pas encore de développer une véritable économie.
  • Selon la personnalité de l’utilisateur, il n’est pas toujours simple de s’autoriser à se servir dans le pot commun. Il y a un blocage psychologique à dépasser pour démarrer, ce qui peut se faire par la mise en place d’un cercle de confiance où le dialogue est au centre. Ainsi, chacun peut expliquer clairement pourquoi il prend le montant choisi. Il s’agit de se demander : quelles règles du jeu se fixe la communauté ? On voit donc toute l’importance d’accompagner l’outil avec une véritable gouvernance.
  • Ce type d’outil incite à dé-corréler la valeur horaire de l’investissement que l’on peut avoir. Ainsi, pour une mission précise, on ne peut pas forcément être rétribué ponctuellement puisque le principe est de proposer un paiement hebdomadaire récurrent. Il s’agit de sortir complètement de l’idée de salariat ou de bénévolat et de passer à une logique de contribution qui est différente de la logique de prestation ou de celle de salariat. Cela remet donc en question la définition du travail.
  • A ce stade, seules de petites sommes transitent par l’outil, mais l’on se pose forcément la question du statut fiscal si cette pratique devait se développer, statut qui à ce jour reste encore assez flou même si des réflexions sont en cours (émission de factures, etc…)

A l’écoute des témoignages, un certain nombre de réserves ont été émises par les participants :

  • les montants distribués valent-ils ce que vous produisez par la communauté ? (il y a un risque que l’investissement soit bien supérieur au montant de la rétribution)
  • la valeur que l’on donne à l’argent se reproduit dans ce genre d’expérience (il existe de grosses différences individuelles d’estimation des coûts des services)
  • chacun choisit individuellement combien il se rémunère alors que la rémunération devrait être le fruit d’un dialogue social
  • dans Liberapay, les dons sont anonymes. Est-ce satisfaisant ? Ne faut-il pas plus de transparence ou au contraire  l’anonymat du don a-t-il des vertus ?

Globalement, il semble donc que chacun tend à ré-aligner cette proposition de modèle de rétribution sur le modèle qu’il connaît déjà. Pour expérimenter, le collectif propose de se départir de toutes les idées reçues, tout en acceptant à l’avance que la conclusion puisse être par exemple : « Finalement, le meilleur modèle c’est bien le salariat« .

Liberapay est un outil qui peut permettre certaines choses, mais il n’est certainement pas la solution unique à mettre en place. Dans beaucoup de domaines, nous sommes en train de passer d’un système simple à un système complexe (plusieurs métiers dans une vie, morcellement des activités et des pratiques). Il est donc probable que le modèle de rétribution sera un ensemble d’outils et de pratiques variés, par un exemple avec une complémentarité entre un revenu inconditionnel fixe et un revenu contributif variable.

Comment  mettre en place une réciprocité ?

Une autre question qui se pose régulièrement pour les contributeurs est la question de la réciprocité. En effet, le marché rattrape souvent les communs pour en faire des objets commerciaux. Comment faire pour inciter un acteur public ou privé qui utilise la ressource d’un commun à contribuer au développement de ce commun sans épuiser la ressource ? Paradoxalement, lorsque des organismes privés décident d’investir dans un commun, les contributeurs peuvent entrer dans une logique de prestation de service ce qui déstabilise la communauté, voire fait s’étioler rapidement le commun.

La journée a été l’occasion de découvrir plusieurs expériences et pistes de réflexions, parmi lesquelles :

  • le cas éloquent de « Pepper and Carrot« , une bande dessinée open-source qui a été publiée par un éditeur (Voir l’article de Calimaq) : la publication de l’ouvrage donne lieu à une réciprocité financière inhabituelle et sur une base volontaire de la part de l’éditeur. Il n’y a pas de pourcentage des ventes qui revient à l’auteur à chaque fois qu’une BD sera vendue par Glénat (rémunération proportionnelle). C’est une somme fixe qui ira tous les mois à l’auteur David Revoy, indépendante du volume des ventes. En outre, la publication a augmenté la visibilité de l’auteur, ce qui peut en soi être aussi considéré comme une rétribution.
  • les pistes de réflexion autour des licences à réciprocité (avec une présentation « Les licences à réciprocité, c’est quoi ?« ), notamment le travail réalisé autour de la Contributive Commons qui va au-delà d’une simple licence pour modéliser un ensemble d’outils articulés.
  • un exemple de contrat de réciprocité rédigé pour le Mutualab qui incite les utilisateurs du commun à se sentir contributeurs (même s’il n’y a pas d’échange monétaire).
  • La mise en place de véritables contrats commerciaux avec des organismes publics comme par exemple cette cartographie réalisée pour une collectivité locale à l’aide de la plateforme libre Communecter.

De manière générale, l’enjeu pour les communs semble de réussir à mettre en place une économie de la ressource  : il s’agit de réussir à centrer les réflexions sur la création et la pérennisation d’une ressource plutôt que sur une optimisation des flux financiers. La rétribution dépend alors de la valeur créée dans et par le commun. Il s’agit également de convaincre les acteurs, notamment publics, que, tout en s’assurant que le commun est utile aux citoyens, il s’avère plus productif de « lâcher du lest » quant à sa production c’est à dire de laisser faire la communauté des communs.

Une expérimentation permanente

Le collectif ouvert Catalyst a la particularité de fonctionner sur un mode pair-à-pair qui privilégie l’autonomie, les expérimentations concrètes, et une gouvernance auto-organisée (qui prend souvent la forme de la stigmergie).

Une des caractéristiques du collectif est donc de saisir les opportunités d’expérimenter à tout moment. Ainsi, cette journée de partages a aussi été l’occasion de mettre concrètement en place deux propositions :

  • un déjeuner contributif sous forme d’auberge espagnole : plutôt que de s’en tenir à l’habituel bénévolat qui prévaut pour les auberges espagnoles, un pot commun a été mis à disposition des participants qui n’avait pas amené à manger pour qu’ils puissent contribuer au repas réalisé par les volontaires. Ces volontaires ont pu ensuite se répartir la somme récoltée.
  • la mise en place d’une monnaie de substitution : les personnes n’ayant pas d’euros sur elles ont pu demander à la « banque » de leur donner des billets leur permettant de contribuer symboliquement au repas. Le collectif a pris en charge cette valeur mais il a permis aux participants de se sentir impliqués en faisant le geste de mettre leurs billets factices dans le pot commun. Il pourrait même être envisagé de troquer cette valeur contre des contributions d’autres natures.

Il convient ici de remercier particulièrement Marion Rousseaux et Simon Sarrazin qui ont été les chevilles ouvrières de cette journée réussie.

Ressources

L’illustration a été réalisée par Laurent Libessart qui a croqué avec beaucoup d’humour les interventions de la matinée.

En route vers une assemblée européenne des communs : l’unité et la politique autour du paradigme des communs

Le 26 Septembre, un groupe d’organismes sans but lucratif, de fondations et d’autres organisations de la société civile ont  publié conjointement un « Appel à une Assemblée européenne des communs« . Le document rédigé collectivement, qui continue de recueillir les signatures de groupes et d’individus à travers l’Europe, est la déclaration d’intention d’un réseau distribué de «commoners».

L’Assemblée cherche à unir les citoyens par une solidarité trans-locale et trans-européenne pour faire face aux défis actuels de l’Europe, afin de surmonter et relancer le processus politique pour le 21e siècle. Les communs peuvent être compris comme un paradigme de transition qui met l’accent sur la coopération dans la gestion des ressources, des connaissances, des outils et des espaces aussi divers que l’eau, Wikipedia, un crowdfunding, ou un jardin communautaire. Leur appel décrit le « faire en commun » comme :

…des initiatives ascendantes basées sur la coopération en réseau, déjà mises en pratique par des millions de personnes en Europe et dans le monde.
Ces initiatives créent des systèmes autogérés qui répondent à des besoins vitaux. Elles opèrent souvent en dehors de l’économie de marché dominante et des politiques publiques étatiques, tout en expérimentant de nouvelles structures hybrides.

L’Assemblée a émergé en mai via une communauté pilote diversifiée, respectant la parité, de 28 militants et militantes de 15 pays européens, travaillant dans différents domaines des communs. De nouvelles personnes se joignent à l’Assemblée chaque semaine, et la CEA est inclusive et ouverte à l’arrivée d’autres contributeurs, de sorte qu’un large mouvement européen résilient puisse émerger. Elle cherche à donner de la visibilité aux actes de mise en commun par les citoyens pour les citoyens, tout en favorisant l’interaction avec les politiques et les institutions aux niveaux national et européen.

La partie d’un mouvement plus large

L’adoption rapide des communs comme vision du monde holistique, alternative, durable et sociale est en partie l’expression d’un malaise avec le système économique actuel, injuste et démocratiquement carencé. Le mouvement des communs a explosé ces dernières années, suite à l’attribution du prix Nobel d’économie à Elinor Ostrom en 2009 pour son travail sur la gestion des ressources communes. Il a également vu la rencontre avec d’autres mouvements, comme la solidarité et l’économie du partage, les mouvements sociaux, la décroissance et la production pair à pair.

Michel Bauwens, membre de la CEA et figure de premier plan du mouvement peer-to-peer, explique :

Partout dans le monde, un nouveau mouvement social émerge, qui remet en cause les l’économie politique «extractive» dominante et qui co-construit les germes d’une société durable et solidaire. Commoners obtenez également une voix, par exemple, par les assemblées des communs qui émergent dans les villes françaises et ailleurs. Le temps est venu pour un renouvellement du monde politique, à travers une Assemblée européenne des communs.

L’appel comprend une invitation ouverte à Bruxelles du 15 au 17 Novembre 2016 pour trois jours d’activités et de réflexion partagées sur la façon de protéger et de promouvoir les  communs. Elle comprendra une session officielle au Parlement européen, organisée par l’Intergroupe sur les biens communs et services publics, le 16 Novembre (capacité limitée).

Vous pouvez lire et signer le texte intégral de l’appel, disponible en anglais, en français, en espagnol, et bientôt d’autres langues européennes, sur le site Web de la CEA. Il y a une option pour signer en tant qu’individu ou organisation.

Pour plus d’informations, visitez le site http://europeancommonsassembly.eu/ ou suivez le compte Twitter @CommonsAssembly pour des nouvelles régulières.

Contact Media : Nicole Leonard contact@europeancommonsassembly.eu

Article original en anglais

 

Photo : Till Gentzsch European Alternatives

Du peer-to-peer au salaire à vie : rencontre entre Bernard Friot et Michel Bauwens

Entre Peer to peer et salaire à vie, quelles convergences possibles pour un nouveau paradigme économique?

De la réappropriation de nos communs comme la caisse de sécurité sociale à l’autogestion de caisses de salaires et d’investissement par territoire en passant par la redéfinition du travail au sein des collectifs de production et l’absence de propriété lucrative qu’elle soit intellectuelle ou matérielle, des ponts existent entre ces 2 mondes que sont le peer to peer et le salaire à vie, et qui s’adressent souvent à des classes sociales différentes.

Quand deux écosystèmes révolutionnaires émanant de paradigmes de l’utopie concrète se rencontrent : quel champs des possibles ? La révolution numérique et les mutations qu’elle engendre notamment en terme de modèle de production et nouveau travailleur, est-elle compatible avec le salaire à vie ?

Ce sont toutes ces questions qui ont été abordées lors de cette rencontre entre ces 2 grands théoriciens. La rencontre (visible dans la vidéo ci-dessus) a permis de souligner les convergences possibles entre les deux modèles au cours d’un échange chaleureux.

Cette séquence libre et ouverte s’est appuyée plus particulièrement sur deux de leurs ouvrages respectifs : « Emanciper le travail » et « Sauver le monde – Vers une économie post-capitaliste avec le peer-to-peer« .

Informations pratiques :

Lundi 26 septembre de 19:30 à 22:00
Le Lieu-Dit
6 Rue Sorbier, 75020 Paris
Entrée libre, consommations sur place
Evénement Facebook

La Coop des Communs : Construire des alliances entre Economie sociale et Communs

coopdescommuns-logoLa Coop des Communs réunit des activistes du monde des communs, des militants, des chercheurs, des entrepreneurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) ainsi que des acteurs publics. Nous voulons contribuer à la construction d’un écosystème favorable à l’éclosion de communs co-construits avec l’ESS ainsi que les pouvoirs publics intéressés.

La Coop des Communs croit à la légitimité et la pertinence des formes de solidarité, de réciprocité, de propriété et de gouvernance collectives « en communs » pour répondre aux défis des transformations technologiques, démographiques, écologiques, dans le monde du travail et dans la mondialisation.

Alliés, Communs et ESS peuvent former, non des solutions résiduelles, mais de véritables piliers d’un développement soutenable dans une vision plurielle de l’économie.

La Coop des Communs est une association de personnes physiques, soutenue par des personnes morales engagées. Elle développe des alliances concrètes entre ESS et communs pour :

  • alimenter la recherche et les échanges sur les domaines dans lesquels les communs peuvent et doivent se déployer, et sur les modalités le permettant,
  • promouvoir des laboratoires citoyens et économiques dans des domaines comme l’économie collaborative, la santé, l’éducation, la transition énergétique, le domaine foncier, la ville, la finance,
  • montrer qu’on peut utiliser des logiques de communs pour fournir des services d’intérêt général sur une base démocratique et élargir les choix dans les partenariats publics/privés/communs.

Pour cela, La Coop des Communs impulse ou déploie :

  • des travaux d’étude et de recherche donnant lieu à publication,
  • des recherches-actions avec la construction de projets concrets avec les acteurs,
  • des séminaires ou conférences,
  • des formations, des bases de ressources documentaires pour documenter les pratiques.

Elle construit des propositions pour les politiques publiques.

Son action est ancrée dans le cadre français. Elle échange beaucoup avec les pratiques équivalentes dans d’autres pays et contribue à l’émergence de propositions à l’échelle mondiale.

La Coop des communs a été créée à l’initiative de Nicole Alix, Jean-Louis Bancel, Benjamin Coriat et Frédéric Sultan. Elle est ouverte à tous ceux qui sont persuadés que les alliances entre communs et ESS vont favoriser le développement d’une économie fondée sur la réciprocité.

La Coop des Communs se veut un centre de ressources pour tous ses membres, en souhaitant que ceux-ci puissent puiser dans l’association des idées et des moyens pour développer des projets, qui pourraient en quelque sorte être « incubés » dans La Coop. Vous pouvez y adhérer et contribuer aux travaux.

La Coop des Communs anime et modère une liste mail ESS-Communs. Celle-ci permet le débat sur l’actualité de l’ESS et des communs. Elle se fait l’écho des travaux de l’association.  Pour faire partie de la liste ESS-Communs, merci d’adresser un mail à [email protected]

ÉVÉNEMENT
L’Assemblée Générale de lancement de l’association aura lieu le 8 novembre prochain à partir de 16h30 à la MGEN,

3 square Max Hymans – Paris 15ème.

Salle Atlantique

Communs et ESS peuvent-ils faire système ?

Les communs vont-ils soulever le monde ?

Un article de Pierre Thomé publié sur son blog.

Des chercheurs en sciences humaines font remarquer que les périodes de grande incertitude, d’insécurité – et à l’évidence nous sommes dans une telle période – peuvent générer un recours intensif à l’hédonisme, ou à une demande accrue de politique autoritaire, voire tyrannique, hédonisme et pouvoir autoritaire pouvant d’ailleurs très bien être associés. Les grands médias en parlent abondamment, mais oublient le plus souvent l’existence d’une troisième voie, celle de la créativité sociale, dont nous regardons avec beaucoup de curiosité et d’intérêt les nombreuses réalisations. Toutefois, celles-ci conduisent-elles à un monde plus serein, paisible, équitable, pour ne pas dire enchanteur, en pensant que nécessairement “Demain il fera beau”[1] ? Rien n’est moins sûr… En effet, si ces “révolutions tranquilles”[2] démontrent empiriquement l’existence d’autres possibles dans de nombreux domaines dont ceux de la propriété foncière, de l’alimentation…, elles n’ont pas encore vraiment pu ou su suffisamment conceptualiser un récit politique mobilisateur et compréhensible par un large public. À l’évidence passer du local au global est complexe et la transition dont on parle beaucoup, gagnerait à être plus précise sur “le vers quoi” on veut aller. Ainsi, nous nous retrouvons dans une situation on ne peut plus paradoxale…

Bernard Stiegler : la disruption rend fou

Vidéo extraite de l’article d’Ariel Kyrou sur http://www.culturemobile.net/

Quand Stiegler pointe l’étrange concordance d’objectifs de la bible de Daech et du manifeste des «néo barbares»

Mais au-delà de l’usage des réseaux sociaux, de Facebook à l’application de messagerie cryptée Telegram, quel rapport y a-t-il entre ce terrorisme et notre nouveau monde numérique ? C’est sur cette question que Bernard Stiegler suscite la polémique, lancée pour l’essentiel par ceux qui n’ont lu de lui qu’une interview ici ou là, et qui ne veulent surtout pas vraiment le lire. En y prenant le temps.

Dans la disruption, comment ne pas devenir fou ? opère en effet un parallèle provocateur entre deux «bibles» : celle de Daech, datée d’une douzaine d’années, L’Administration de la sauvagerie : l’étape la plus critique à franchir par l’Oumma, véritable programme de la guerre à mener contre l’Occident ; et celle de l’incubateur de startup et groupe plus ou moins structuré de défenseurs de l’innovation technologique à tous crins The Family, qui fête bientôt son deuxième anniversaire. Stiegler ne place évidemment pas sur un même plan les actes, odieux et réellement meurtriers de Daech, et les projets de l’ordre de la violence métaphorique et sociétale de ceux qui se déclarent eux-mêmes non sans humour des «néo barbares». Mais il montre en revanche la concordance de discours, donc des rêves plus ou moins bien assumés, de l’un et l’autre plaidoyers stratégiques et guerriers, clamant tous deux la nécessité d’utiliser une certaine «sauvagerie» pour mettre à bas ce qu’il subsiste de dinosaures étatiques.

Assemblées des communs et nouvelles formes d’organisation : rencontre le 23 septembre à Paris

Le 23 Septembre a eu lieu à Paris une journée de réflexion sur les Assemblées des communs et les nouvelles formes de réseaux locaux et thématiques de communs.

Depuis le Festival Temps des communs, en octobre 2015, de nouvelles formes d’organisation émergent dans l’espace francophone et plus largement dans le monde, inspirées par l’idée d’assemblée des communs promue par Michel Bauwens et la P2P Foundation. Les différents acteurs engagés dans ces initiatives ont souhaité se réunir pour une journée d’échanges sur les « Assemblées des communs et les réseaux de communs. »

Cette journée fut une occasion de discuter et de documenter différentes pratiques, et d’appréhender la réalité du phénomène « Assemblées des communs » à partir d’expériences partagées par les acteurs engagés dans ces démarches. Nous avons cherché à nourrir une analyse de chacune des initiatives identifiées par les participants et à les mettre en perspective dans le contexte institutionnel français.

De nombreuses questions ont été ouvertes et discutées, telles que la nature de ces initiatives, leur dénominations, les liens qui peuvent être fait avec des initiatives existantes qui ne portent pas le nom d’assemblée des communs, leur dimension géographique ou thématique. Nous avons aussi exploré ce que ces initiatives apportent dans une perspective stratégique pour les communs : comment cela contribue-t-il à la mise en mouvement des communs, des commoners et plus largement à l’engagement des habitants dans la transition ?

Cette journée a été organisée avec le soutien de la P2P Foundation, de l’association VECAM et la Fondation pour le Progrès de l’Homme.

Ecouter l’intervention de Michel Bauwens au cours de cette journée :


(fichier MP3 réalisé par Léa EYNAUD,  sous licence BY-SA)

 

la-chapelle

Voir aussi :

André Gorz, une vie

Willy GIANINAZZI

Editions La découverte (août 2016)

Collection : Hors collection Sciences Humaines

andre-gorzCette première biographie d’André Gorz (1923-2007) retrace le parcours de l’un des penseurs les plus clairvoyants et innovants de la critique du capitalisme contemporain. Marqué par les pensées de Marx, Husserl, Sartre et Illich, Gorz pose la question fondamentale du sens de la vie et du travail. Né Gerhart Hirsch à Vienne, ce « métis inauthentique » étudie en Suisse, avant d’opter pour la France. Penseur existentialiste, autodidacte, il révise constamment ses façons de voir, sans craindre d’explorer de nouveaux territoires théoriques. Anticapitaliste, marxiste d’un type nouveau, il est très proche de l’extrême gauche italienne et incarne l’esprit de 68. Il est aussi l’un des premiers artisans de l’écologie politique et de la décroissance.
Une pensée en mouvement, au service de l’autonomie, du temps libéré, de l’activité créatrice et du bien-vivre. L’intellectuel André Gorz, rédacteur aux Temps modernes, se double du journaliste qui signe ses articles Michel Bosquet dans L’Express avant de participer à la fondation du Nouvel Observateur. Cette biographie d’une figure singulière, à la croisée de la littérature, de la philosophie et du journalisme, est aussi l’occasion de revisiter un demi-siècle de vie intellectuelle et politique, un voyage au cours duquel on croise Sartre et Beauvoir, mais aussi Marcuse, Castro, Cohn-Bendit, Illich, Guattari, Negri et bien d’autres.
Au-delà de ses poignants récits autobiographiques –Le Traître (1958) et Lettre à D. (2006) –, qui témoignent de sa profonde humanité, André Gorz offre une boussole précieuse à tous ceux qui croient qu’un autre monde reste possible.

Lire un extrait…

Commander le livre…