Copylove a débuté en 2011 en tant que réseau informel local pour stocker des recherches à propos de biens communs et de féminisme. Plus tard, il s’est ouvert au public via www.copylove.cc (en espagnol) , sous la responsabilité de Sofía Coca (Zemos98, Séville, Espagne), Txelu Balboa ( COLABORABORA , Pays Basque) et Rubén Martínez ( Fundación de los Comunes , Barcelone). Le site public copylove.cc explore les liens et relations au sein d’une communauté d’agents qui génèrent des communs pour la communauté. Copylove explore plus profondément tous les paramètres qui nous permettent de reproduire les conditions d’une existence désirable : affection, interdépendance, entraide, attirance pour la communauté, empathie, etc. Parler de Copylove, c’est évoquer tout ce que nous faisons et reproduisons pour nous rapprocher du « bien vivre », d’une existence durable, au-delà d’une simple évaluation économique.
L’histoire-derrière : Communs, Amour et Recombinaisons
En janvier 2012, Copylove a lancé le festival de Zemos98 sur la base d’une hypothèse apparemment simple : étudier de quelle façon l’affection et l’empathie (care) permettent de cultiver des relations au sein d’une communauté produisant des biens communs. Prenant ce point de départ, le groupe a organisé des résidences en Février, puis en Mars et Avril 2012 pour que des personnes provenant de plusieurs groupes ayant une expérience communautaire puissent échanger différentes approches sur l’affection, les communs et la communauté.
Nous croyons aux Communs. Comme l’a dit Elionor Ostrom, les Communs sont parfois hors du marché ou des services publics. Les Communs portent sur les contenus que nous partageons tout le temps dans nos réseaux numériques, mais ils n’ont rien de nouveau. Quand on parle de biens communs, nous parlons en fait de concepts déjà anciens. La recette d’un gazpacho typique d’Andalousie est par exemple une recette appartenant aux Communs. Elle n’est pas du domaine privé. Mais pas exactement publique non plus, au sens d’un bien régi par des règles officielles et des institutions. Cette recette construit un code commun. Un langage commun. Vous pouvez choisir une seule recette et créer votre propre version. Mais, si vous partagez votre propre version, tout le monde peut faire la même chose et recomposer votre version parce que la culture est un palimpseste infini. Par conséquent, nous devons bien sûr élargir l’utilité des Communs. Nous devons propager les communs pour nous aider à construire nos communautés.
D’autre part, lorsque nous parlons du marché et le gouvernement, nous nous référons à des qualificatifs comme «intérieur» ou «extérieur» aux communautés, et nous nous référons au système économique officiel. Divisons-le en deux registres: celui de production et celui de la reproduction. Certaines études féministes estiment que nous répondons toujours aux questions sur un registre officiel et productif. Lorsque vous demandez à quelqu’un, «Que faites-vous?», Les gens répondent dans le registre professionnel. Ils ne disent pas: «Je suis une mère» ou «Je fais cuire habituellement du riz avec des légumes». Pourtant, quelle importance a ce genre de tâches au sein de nos communautés? Pourquoi ne pouvons-nous pas en parler? Nous estimons que ces aspects renvoient à cette sphère reproductive. Et vous pouvez imaginer à quel point elle est importante pour notre culture.
Communs, amour et recombinaison ont été les trois concepts initiaux, liés les uns aux autres, ils ont ouvert le champ pour commencer à construire collectivement le sens du « copylove ». Nous avons vu plus tôt qu’ils étaient entrelacés se nourrissant les uns des autres : l’affection nourrit les communs et vice versa. Nous devons placer l’affection au centre, comprendre que les communs présupposent l’existence d’une communauté, découvrir que les communautés ont des liens et des valeurs constitutives; mais aussi qu’elles requièrent pour être durables une dimension d’empathie et de soin, une appréciation subjective de chacun élaborée à partir de ses affections.
Les Communs invisibles
Nul doute que l’objectif de la première édition de Copylove était de rendre visible toutes ces manières de faire, et de créer une communauté dont les citoyens seraient au cœur. Pour devenir plus précis à ce sujet, nous avons voulu nous remémorer ces usages quotidiens si ancrés dans notre vie de tous les jours qu’ils passent inaperçus, tant ils sont essentiels pour maintenir notre cohésion vitale. Les communs invisibles sont ces ressources non-monétaires, ces façons de faire auxquelles nous sommes assimilés (en positif comme en négatif), ces processus que nous avons appris ou acquis dans notre vie ensemble et qui rendent la communauté durable. Ces communs sont invisibles quand nous les supposons «naturels», mais la plupart du temps et en particulier pour les communs liés au travail des femmes, le régime développementaliste dans lequel nous vivons les a rendu invisibles. La spécialité de notre modèle environnant est précisément d’ignorer ce qui rend notre vie vivable.
Sur la base de ces conclusions, nous avons atteint un tournant dans notre recherche. Nous avons dû structurer ce que nous avions appris et poser de nouvelles questions. Poursuivant notre piste, l’idée de «biens communs invisibles» se révèle une bonne description de ce que nous avions appris jusque-là, et elle nous a permis de continuer à découvrir toutes ces pratiques qui dépassent le registre purement productif évoqué plus haut. Pour mieux comprendre toutes les ressources et les processus communautaires que nous activons simultanément et qui nous sont chers, nous avons commencé à recueillir auprès de groupes et d’associations de Bilbao à Barcelone les questions pour la future résidence de Copylove.
Nous étions toujours à la recherche de ces communs invisibles à parcourant les trois axes du début qui devaient nous aider à aller vers l’étape suivante. Trois grands concepts seraient utiles et fourniraient de nouvelles questions sur « copylove » : la communauté, la mémoire et la vie expliqués par les participants dans cette vidéo (sous – titres anglais) :
Se sont ensuite succédés un autre festival Copylove en avril 2013 et une campagne de crowdfunding (regroupant 7.865 €) pour rassembler tous les essentiels appris dont nous avions intégré la plupart dans nos pratiques quotidiennes et dans notre mode de vie personnelle et professionnelle.
Pour conclure, sans empathie et sans soin, la vie est impossible. La vie ne peut pas être «productive» que dans une économie centrée sur cette attention. Si nous avons été « productifs » dans cette fiction appelée Capitalisme, c’est grâce à notre souci pour les autres, à ce que certains qualifient d’«improductif» : le travail domestique, la reproduction des tâches invisibles. Sans empathie, la vie professionnelle ne pourrait pas exister dans une économie de marché. Ce travail invisible a été fait par les femmes (et ici «femmes» peut également être compris comme des minorités). Ni l’Etat ni le marché n’ont réussi à couvrir ce besoin fondamental : le droit à recevoir de l’attention et du soin.
- Article original : The Importance of Care and Affections in our Communities: Copylove and the Invisible Commons par Sofia Coca
- Traduction : Christophe Gauthier